L’Egyptien Kareem Amer détient le triste record du blogueur ayant purgé la plus longue peine de prison. Il a été libéré dix jours avant les législatives.
Dimanche, Kareem Amer n’a pas voté. Après quatre années en prison, ce jeune Egyptien se dit peu au fait de l’actualité. Dans sa cellule, il n’avait droit qu’aux journaux gouvernementaux. Surtout, chez lui à Alexandrie, un seul homme était candidat aux législatives : le ministre des Affaires légales, membre du Parti national démocratique, le parti au pouvoir. « Je le déteste, je ne peux pas voter pour lui », expliquait Kareem Amer à la veille des élections.
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Abdul Kareem Nabeel Sulaiman, plus connu sous le pseudonyme de Kareem Amer, est un revenant. A 26 ans, il a purgé la première et la plus longue peine infligée à un blogueur dans le monde arabe.
Trois ans de prison pour incitation à la haine de l’islam, et un an pour insulte au président
Le 16 novembre, c’est un tweet qui annonce la nouvelle : « Kareem Amer est libre ! » Il a quitté la prison de Borg al-Arab, l’une des pires d’Egypte selon son avocat, Gamal Eid, qui est aussi le directeur du Réseau arabe d’information sur les droits de l’homme. Durant son incarcération, Kareem Amer a été frappé plusieurs fois, placé en isolement. Depuis octobre 2009, personne n’avait reçu d’autorisation de visite.
Son crime ? Avoir publié sur son blog une série d’articles dans lesquels il traitait le président égyptien Hosni Moubarak de « dictateur », ou portait des charges virulentes contre l’islam. Arrêté en novembre 2006, il est condamné à trois ans de prison pour incitation à la haine de l’islam, et à un an pour insulte au président. Aujourd’hui, il affirme ne pas avoir changé.
« Quand vous êtes en prison à cause de vos opinions, vous avez trois solutions, explique-t-il. Soit vous vous pliez aux ordres du régime et vous arrêtez d’écrire. Soit vous résistez, ce qui conduit à adopter un comportement radical. La troisième voie, c’est d’arrêter de penser et de ressortir avec les mêmes idées qu’auparavant. C’est ce que j’ai fait. »
Déterminé, il assure qu’il va se remettre à bloguer. Il espère aussi reprendre ses études de droit, « n’importe où sauf au sein de l’université al-Azhar ». Sur son blog, Kareem Amer avait critiqué le conservatisme religieux de cette institution, la plus haute autorité de l’islam sunnite, dénonçant une « université du terrorisme ».
Il en avait été expulsé en 2006. Mohammed Marei, un autre jeune blogueur égyptien, a rencontré Kareem Amer pour la première fois en mai 2008, à Borg al-Arab. Lui a atterri en prison parce qu’il avait couvert des manifestations ouvrières à El-Mahalla, une ville industrielle au nord du Caire.
« Nous vivons dans un régime militaire et dictatorial. La prison, c’est le prix à payer pour obtenir le droit d’exprimer nos opinions », dit-il.
« Je sais que le changement est proche », assure de son côté Kareem Amer. Pour lui, pas de doute qu’internet et les réseaux sociaux sont des outils efficaces pour faire évoluer la société égyptienne.
Pour Gamal Eid, le rôle de ces activistes est d’autant plus important quand le gouvernement musèle les médias. A la veille des législatives, de nombreuses chaînes satellitaires ont été interdites.
Le pouvoir avait promis des élections « libres et transparentes » ; le scrutin de dimanche a été émaillé de violences et d’accusation de fraudes. Les ONG ont dénoncé des actes de répression et l’absence d’observateurs étrangers. A un an de la présidentielle, seule une minorité des 40 millions d’électeurs a été mettre son bulletin dans l’urne.
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