Diffusé ce soir sur France 2, le documentaire de Philippe Kohly « Romain Gary, le roman du double » revient sur l’une des plus grandes tromperies de l’histoire littéraire : la création d’Emile Ajar par Romain Gary.
Vie et mort d’Emile Ajar, l’ultime livre de Romain Gary paru après son suicide en décembre 1980, se concluait ainsi : « Je me suis bien amusé. Au revoir et merci. » Révélant enfin la supercherie qui aura tenu plus de sept ans, Gary en avait fini avec Ajar en même temps qu’il en avait fini avec ses souffrances, sa solitude, ses mensonges.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
S’était-il vraiment amusé ? Cette double identité, masquant un lointain et profond sentiment de perdition, avait-elle soulagé ses manques ou accentué ses blessures ? C’est la quête d’une renaissance se retournant contre elle-même qu’interroge Philippe Kohly dans une enquête inspirée, nourrie de nombreuses images d’archives de l’écrivain dandy et de témoignages d’acteurs clé de l’affaire, dont Paul Pavlowitch, son petit-cousin qui endossa les habits d’Emile Ajar.
Jouant à la fois sur le tableau de l’exploration de l’œuvre littéraire de Gary et celui, plus complexe et secret, de sa biographie et de ses affects, Kohly tente de saisir les mécanismes de cette mystification. « Qu’est ce qui fait courir Gary ? », demande-t-il. En inventant en 1974 l’écrivain Ajar – prix Goncourt pour La Vie devant soi en 1975 -, Gary a réussi à tromper tout le monde, y compris lui-même. « Vivre, c’est tirer les ficelles », lui avait appris sa mère tant aimée. Mais sa pratique compulsive de l’écriture ne compensa jamais son vide intérieur.
« Je suis le fils d’un homme qui m’a laissé toute ma vie en état de manque », confiait-il.
S’il avait voulu avec Ajar se délivrer de lui-même, Gary n’était en fait « plus personne », estime Pavlowitch. En inventant des personnages dans ses romans et dans sa vie, il ne fit qu’entretenir la confusion entre l’imagination et la manipulation, entre lui et ses démons intérieurs. Il fut toujours un autre, un égaré, rêvant d’une plénitude que la littérature et l’amour auraient pu accomplir s’ils n’avaient été troublés par la mélancolie.
Jean-Marie Durand
Romain Gary, le roman du double Documentaire de Philippe Kohly. Jeudi 2 décembre, 22h50, France 2
{"type":"Banniere-Basse"}