Le Covid et les inégalités sociales, l’extrême-droite, les luttes féministes et l’histoire des esclavages s’invitent sur les tables des libraires.
Nombre d’essais abordent les différents enjeux charriés par l’irruption du Covid dans nos vies. Mais c’est moins le virus en tant que tel que son rôle de révélateur de crises préexistantes qui intéresse ici les auteur·trices. Ainsi, l’historienne Ludivine Bantigny et le sociologue Ugo Palheta, dans Face à la menace fasciste (Textuel), alertent sur le “processus de fascisation” à l’œuvre en France, résultat du néolibéralisme autoritaire imposé par nos gouvernants successifs.
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Si le livre ne dit pas que nous vivons dans un régime fasciste, il fait le rappel salutaire que “le fascisme ne vient pas au monde tel un éclair dans un ciel serein”.
“Défaire les inégalités” pourrait, de son côté, être le titre du nouveau Thomas Piketty. Dans Une Brève Histoire de l’égalité (Seuil), sorte de synthèse actualisée de ses travaux antérieurs, l’économiste défenseur d’un “socialisme démocratique” entend rendre plus accessibles ses recherches tout en proposant une “perspective nouvelle” sur l’enjeu des inégalités. Lesquelles, pour lui, résultent de “choix de nature politique”.
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L’anthropologue Didier Fassin ne dit pas le contraire dans Les Mondes de la santé publique (Seuil), où il analyse la casse délibérée des services publics par le pouvoir. Dans ce livre passionnant, il souligne le fait que “face à la pandémie, toutes les vies ne se valent pas”, s’intéressant notamment au sort déplorable réservé durant la crise aux détenu·es, aux exilé·es et, globalement, aux personnes paupérisées.
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Sandra Lucbert, à qui nous avions remis notre prix Les Inrockuptibles de l’essai en 2020, prend pour point de départ la fermeture d’une maternité dans Le Ministère des contes publics (Verdier). Dans ce texte écrit à la sulfateuse, elle apostrophe nos (ancien·nes) dirigeant·es, tout en s’interrogeant sur la naturalisation par la parole de l’agenda néolibéral. Et de rejeter ce “c’est comme ça” autoperformatif prononcé par les tenant·es de l’ordre capitaliste, rappelant comment la littérature peut déverrouiller “les puissances hypnotiques de la langue”.
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Il est également question des stratégies d’autoconservation de la classe dominante dans les émouvants mémoires des sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot, Notre vie chez les riches (Zones/La Découverte), où l’on croise Bourdieu et Passeron. Idem chez le sociologue Paul Pasquali, auteur de Héritocratie – Les élites, les grandes écoles et les mésaventures du mérite (1870-2020) (La Découverte), un essai qui ausculte “comment l’héritage se reproduit et le mérite se fabrique”.
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Une rentrée essais très politique donc, l’enjeu écologique n’étant pas en reste avec notamment Voyage au bout d’un like… Ou l’enfer numérique (titre provisoire, Les Liens qui libèrent), où le journaliste Guillaume Pitron rend compte de la pollution “colossale” engendrée par l’industrie numérique. Une Poupée en chocolat (La Découverte), essai très incarné de la militante afroféministe et réalisatrice Amandine Gay, politise de son côté la question de l’adoption transraciale ou transnationale, “phénomène traversé par de multiples enjeux de pouvoir”. L’autrice y développe un concept intéressant, méconnu en France : la justice reproductive.
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À lire également sur la question du racisme : Les Mondes de l’esclavage – Une Histoire comparée (Seuil), une somme impressionnante dirigée par l’historien Paulin Ismard dont les quelque 1 000 pages proposent, outre des analyses de chercheur·euses, un épilogue de l’écrivaine Léonora Miano.
Enfin, Mona Chollet signe l’un des essais les plus attendus de la rentrée avec l’excellent Réinventer l’amour – Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles (Zones/La Découverte). Réinventons !
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