S’il n’est pas interdit de prendre un certain plaisir à regarder la création de Michael Waldron, on se demande comment son sujet “couillu” pourrait intéresser sur le long terme.
On se dit qu’il y a pire, pour un mois d’août, que d’observer des hommes musclés et torse nus en train de se sauter dessus. C’est d’ailleurs de cette manière que débute Heels, lors d’une soirée de catch dans une salle un peu pourrie de l’Amérique profonde. Sur le ring, deux combattants féroces se transpirent dessus, s’écrasent la mâchoire, les bras et le torse, se départagent en hurlant sous les yeux d’un arbitre tout aussi doué pour le théâtre qu’eux. Car il s’agit bien d’une mise en scène, ce qu’une séquence parfaite dans les coulisses permet de comprendre sans ambiguïté.
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Un petit groupe de combattants qui a participé à la soirée se prend dans les bras et tape la discussion comme si de rien n’était. Enfin presque, puisque deux d’entre eux tirent la tronche en oubliant toute bonté dès qu’ils se croisent. La rivalité semble évidente, même si tout est écrit d’avance. On apprend assez vite qu’il s’agit de deux frères dont l’un joue sur scène le rôle du méchant (“heel”) et l’autre celui du héros positif (“face”).
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Génial Chris Bauer
La fiction démarre donc sur du faux, le catch, pour atterrir sur du vrai, la relation fraternelle difficile entre deux hommes dont l’un, Ace, a une dizaine d’années de moins que l’autre, Jack. Il faut s‘y faire, mais Heels nous a un peu trompé sur la marchandise avec son départ fracassant. Nous ne sommes pas du tout dans une version masculine de Glow, où l’action sportive et les sentiments se mêlaient dans une atmosphère de cirque intimiste et bordélique, à la fois touchante et drôle.
La série créée par Michael Waldron n’essaie pas d’être drôle et se déploie en drame gorgé de pathos, comme un fruit trop acide. On ignorait que ce genre de fiction “couillue” sur les affres de la masculinité fragile existait encore, on se demande aussi qui peut bien s’y intéresser sur le long terme, mais voilà, Heels existe et une fois dépassé un temps d’adaptation face à cet univers de bastons au bar, d’alcool paternel et de gros nounours sentimentaux, il n’est pas interdit de prendre un certain plaisir à se mettre devant. La présence d’un acteur génial comme Chris Bauer (la saison 2 de The Wire lui doit beaucoup) dans la peau d’un ex-catcheur devenu manager, joue un rôle dans cette familiarité possible.
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L’Amérique des oublié·es
L’une des ambitions de la série, la plus évidente dans tous les cas, consiste à dépasser le microcosme qu’elle décrit pour dresser le portrait plus large d’une Amérique des oublié·es, ces hommes qui vivent dans la même géographie depuis l’enfance, ces femmes qui n’ont pas d’autre désir en apparence que de suivre leur mec dans ce parcours de vie trop petit. Tournée en Géorgie, Heels veut montrer à quel point ce cœur invisible de la nation bat toujours fort, en imaginant comment l’histoire de ces deux frères pourrait attirer l’attention au-delà des frontières de l’État.
Devant la bande-son planante et peuplée de guitares feutrées, on se souvient d’une autre grande série sur l’Americana, Friday Night Lights évidemment, dont on jure sans prendre trop de risques que l’équipe créative en a fait son graal, son inatteignable cathédrale de fiction. De fait, Heels reste loin de son modèle si déroutant de beauté, avec les pieds dans le ciment la plupart du temps. Mais après tout, nous sommes dans un temps faible des séries depuis quelques mois et celle-ci a envie de bien faire. On peut lui donner sa chance, au-delà des hommes musclés qui se battent.
Heels, disponible sur Starzplay à partir du 15 août.
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