SI J’TE CHERCHE, J’ME TROUVE (REPRISE, 1974)DE ROGER DIAMANTISavec lui-même, Jean-François Stévenin, François Weyergans, Jean de Gaspary, Jean-Jacques BiraudL’illustre exploitant de salles réunit cinq copains devant une caméra pour voir ce qui (se) passe. Beau document d’époque et quête des autres, de soi, du mystère du cinéma.Découvrir ce film aujourd’hui, c’est d’abord succomber au plaisir […]
SI J’TE CHERCHE, J’ME TROUVE (REPRISE, 1974)
DE ROGER DIAMANTIS
avec lui-même, Jean-François Stévenin, François Weyergans, Jean de Gaspary, Jean-Jacques Biraud
L’illustre exploitant de salles réunit cinq copains devant une caméra pour voir ce qui (se) passe. Beau document d’époque et quête des autres, de soi, du mystère du cinéma.
Découvrir ce film aujourd’hui, c’est d’abord succomber au plaisir nostalgique de quelques parfums d’enfance, à la suave mélancolie mortifère de la cinéphilie : le Paris des années 70, les DS, le noir et blanc granuleux et charnel (comme dans les Eustache ou Garrel de la même époque), les accords d’Antoine « Pierrot le fou » Duhamel.
C’est ensuite le plaisir de la collision temporelle : voir le « grand écrivain primé » François Weyergans, un peu paumé dans ce week-end de potes cinéphiles, se risquant à l’analyse immédiate du film en train de se tourner, puis se faisant allumer par le preneur de son. Ou « découvrir » l’immense Jeff Stévenin dans son « premier rôle », se rendre compte qu’il ressemblait comme deux gouttes d’eau à son fiston Robinson (beaux gosses) et qu’il imitait déjà à la perfection le répertoire de notre Jojo national (et qu’il ne suçait déjà pas que de la glace).
Si j’te cherche, j’me trouve, c’est donc cinq copains réunis le temps d’une virée en Bretagne devant une caméra, une sorte de Husbands français mâtiné de psychodrame collectif. Roger Diamantis, qui avait eu l’initiative de ce projet, voulait capter les vibrations secrètes de l’amitié, tester la possibilité d’un cinéma sans histoire et sans scénario, savoir s’il était capable de faire un film.
Pari plutôt réussi. Oui, il y a là un film-essai qui tient la route, ouvre des hypothèses, pose des questions. Et oui, il y a là du cinéma, que l’on pourrait définir ici comme une sorte de suspens immanent, celui du moment présent en train de s’écouler, et pas nécessairement de la manière prévue ou espérée.
Ça tchatche beaucoup et ça picole pas mal, Stévenin possède une faconde et une présence dingues, mais il faut aussi écouter les moments de silence, scruter le visage de sphinx de Diamantis étonnamment expressif, voir dans ses yeux la trouille du risque à déballer ainsi son intimité devant une caméra, la peur que le film lui échappe, ou que ses copains le déçoivent, ou que lui et son projet partent en vrille… C’est dans ces moments-là que la sympathique réunion de potes touche à une certaine profondeur, profondeur qui a failli virer au tragique, puisque Diamantis a été victime d’un accident sur la route du retour.
Avec ce film, Roger Diamantis prolongeait son aventure de patron du Saint-André-des-Arts, salle qu’il avait ouverte en 1971. C’est grâce à lui que j’ai découvert les premiers films d’Alain Tanner et de Ken Loach, des œuvres cultes comme L’Empire des sens d’Oshima ou Au fil du temps de Wenders, des merveilles lointaines comme Le Goût du saké d’Ozu ou Charulata de Satiajit Ray, ou des incunables comme Wanda de Barbara Loden (qui ressort le 9 juillet). Bref, si Causse et Rodon des Action ont fait mon éducation hollywoodienne, Diamantis m’a transmis le cinéma du reste du monde. Il raconte son parcours avec beaucoup de chaleur et de modestie dans un ouvrage qui vient de sortir. Cinéphile, passeur, batailleur de l’indépendance, Diamantis est un homme, un vrai « une espèce en voie de disparition », disait Bronson chez Leone.
A lire : Une vie d’art et d’essais Roger Diamantis et le Saint-André-des-Arts (La Dispute).
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