Kaléidoscope d’images, de documents historiques, autobiographiques. Le film le plus déroutant de Tarkovski. Il rajuste sa mèche et fixe la caméra. “Je… je… m’a… je m’a… je m’ap-pelle.” Le jeune homme peine à répondre à la femme en blouse blanche qui l’interroge. Douloureux avènement de la parole. “Procédons à une séance. Regarde mes yeux !” […]
Kaléidoscope d’images, de documents historiques, autobiographiques. Le film le plus déroutant de Tarkovski.
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Il rajuste sa mèche et fixe la caméra. « Je… je… m’a… je m’a… je m’ap-pelle. » Le jeune homme peine à répondre à la femme en blouse blanche qui l’interroge. Douloureux avènement de la parole. « Procédons à une séance. Regarde mes yeux ! » Il se tourne vers elle et nous devenons les témoins d’une séance d’hypnose. « Concentre-toi ! Encore ! Encore ! Davantage ! Tends tes doigts. La tension passe dans tes doigts ? Tes doigts se tendent ? Concentre-toi ! Concentre-toi ! » Les minutes passent. Voyeurs captivés ou spectateurs hypnotisés, nous guettons quelque chose. Un événement ? Une chute ? La femme demande enfin à l’homme de parler. « Parle maintenant, et ce sera pour toute ta vie. » Le garçon se tourne vers la caméra et exulte, triomphant : « Je peux parler ! ». Prologue au Miroir, ce plan-séquence saisissant résume l’ambition d’un film plutôt difficile d’accès. L’avènement du verbe, la révélation de l’intimité créatrice d’un auteur au fil de reconstitutions d’épisodes autobiographiques, de documents d’archives, de performances d’acteur, de tableaux de maîtres anciens, de dialogues enregistrés avec sa mère, de lectures de poèmes de son père. On ne s’étonne pas de lire dans Le Temps scellé de Tarkovski qu’« il y eut plus de vingt versions différentes. Puis un jour, le film apparut, le matériau se mit à vivre, et quand cette dernière tentative désespérée fut projetée, le film naquit à mes yeux. » Une entreprise poétique de l’ordre de l’épiphanie que seule une formulation de René Char peut éclairer : « Le poète tourmente à l’aide d’injaugeables secrets la forme et la voix de ses fontaines. »
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