Pialat filme ce qu’il est convenu d’esquiver ou de sublimer mais de ne pas montrer : la mort noyée dans la trivialité des choses de la vie.La mort est rarement filmée comme une chronique de la vie ordinaire. De la séance de scanner à la mise en bière, La Gueule ouverte montre la lente agonie […]
Pialat filme ce qu’il est convenu d’esquiver ou de sublimer mais de ne pas montrer : la mort noyée dans la trivialité des choses de la vie.
La mort est rarement filmée comme une chronique de la vie ordinaire. De la séance de scanner à la mise en bière, La Gueule ouverte montre la lente agonie d’une femme atteinte d’un cancer, assistée de son fils et de son mari. Il est moins question de la mort ou de la maladie que de la vie qui continue autour, la vie « malgré tout ». Les longs plans-séquences suffocants de non-dits alternent avec les scènes de la vie ordinaire, des scènes-surprises par un jeu de montage très cut. Rien d’anecdotique ou d’illustratif, des blocs de vie surprise. Le fils qui boit des coups et baise. Le vieux mari qui drague tout ce qui bouge. C’est la vie. La vie continue, dans les chambres adjacentes, dans l’attente du « c’est fini ». Pialat filme cette « vie de peu ». Les chuchotements autour du lit, les voisins et leur « faudra être courageux » dérisoire, le paquet de coton pour la toilette mortuaire, les gestes gauches, le repas après l’enterrement et la parenthèse émerveillée sur les pétunias, « j’en ai eu des rouges et des violets cette année ». C’est ça, la vie, une expérience inconcevable que la résignation aux rituels et aux habitudes rend souvent dérisoire.
Pialat place sa caméra juste à la bonne distance pour traduire ce mal-être absolu sans jamais l’exhiber. Comme cette manière saisissante de filmer l’enterrement : un long travelling sur l’attente du cercueil. Pas de prière. Pas de « je t’aime ». Juste la crasse des non-dits familiaux, cette indifférence qui rend la vie parfois abjecte. Un film qui résume tout l’art qu’avait Pialat de filmer le « réel » : « Ils veulent trouver la solution là où tout n’est qu’énigme » (Pascal).
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