Pauvre France, sans repères ni héros. Le ministère de l’Identité nationale si bien incarné par Eric Besson disparaît, celui de l’Immigration rejoint le giron de son premier titulaire, Brice Hortefeux, désormais à l’Intérieur.
Adieu ministère de l’Identité nationale, tu nous as tant fait rire et pleurer. En mars 2007, le candidat Sarkozy prévient: s’il devient président de la République, il créera un grand ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale.
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« L’immigration, c’est la France dans trente ans. Si on n’explique pas aux futurs Français ce que c’est que l’identité française, il ne faut pas s’étonner que l’intégration ne marche pas. »
Prudent, il poursuit :
« J’ai bien compris que c’était un sujet tabou, qu’il était dangereux de s’aventurer sur ce terrain, qu’un homme politique soucieux de sa carrière devait éviter ce sujet. »
S’il en avait tiré plus tôt les conclusions, on se serait épargné ces pétitions d’historiens et de citoyens lambda, demandant la suppression du ministère, reprochant au gouvernement de chasser sur les terres frontistes en liant la question de l’identité nationale à celle de l’intégration des immigrés.
On aurait également évité quelques mois de conférences de sous-préfectures. 180 réunions publiques “avec les forces vives de la Nation sur le thème de qu’est-ce qu’être Français, quelles sont les valeurs qui nous relient, quelle est la nature du lien qui fait que nous sommes français et que nous devons être fiers« .
Besson, la Marseillaise et les dérapages
A défaut d’un maroquin, l’identité nationale se contentera donc de la Maison de l’histoire de France, soutenue par Henri Guaino et moquée des historiens. Le ministère de l’Immigration lui, autre point de crispation, se fond désormais dans l’Intérieur.
D’abord confié à Brice Hortefeux pour être “le ministère du vivre ensemble”, le portefeuille prend toute sa dimension avec Eric Besson, nommé en janvier 2009. Il déclare à l’époque :
“La France est une terre de métissage et l’immigration l’a enrichie. Mais il y a une tension, c’est évident. Nous avons échoué dans le fait que les jeunes qui sifflent La Marseillaise ne se reconnaissent pas en tant que Français.”
Pour que les jeunes chantent au lieu de siffler, le ministère de l’Identité nationale met en place un grand “débat” fin 2009, largement parasité par les controverses sur le voile intégral -objet simultané d’une mission parlementaire-, le vote suisse contre les minarets ou la polémique sur le renouvellement des papiers d’identité.
“Je veux du gros rouge qui tache”, aurait demandé Sarkozy à ses ministres à en croire le Monde. Il en a eu. En témoignent les innombrables compte-rendus de débats locaux qui tournent au vinaigre ou en eau de boudin. Le 30 novembre 2009, le maire de Gussainville, André Valentin, parle sur France 2 des « 10 millions qu’on paie à rien foutre ». 10 millions de quoi? Le maire se défend de tout racisme.
Sur Internet, l’identité nationale a son site gouvernemental, sur lequel le filtrage des contributions fait débat. Le gouvernement est accusé de censurer les commentaires les plus virulents. La chasse à “l’anti-France” anime les plus réactionnaires représentants de l’UMP, comme Eric Raoult, qui s’en prend au prix Goncourt de Marie N’Diaye.
Au sein même de la majorité, le débat est critiqué par Villepin, Baroin, Juppé, Boutin… Cette dernière craint que le débat ne “dérape” en “ouvrant un boulevard à l’extrême-droite ». “Le président Sarkozy a lancé une proposition de débat, le FN dit “chiche””, déclare pour sa part Marine Le Pen. La gauche hésite : puisqu’il existe, faut-il participer, au risque de “rentrer dans le jeu”?
Le 9 décembre 2009, Nicolas Sarkozy s’offre une tribune dans Le Monde. Il appelle à “respecter ceux qui arrivent, respecter ceux qui accueillent”. Censée recadrer le débat, l’intervention du Président jette de l’huile sur le feu.
« Enterrement en petite pompe »
Le 8 février, à un mois des régionales, François Fillon enterre ce « débat national » sans issue en dévoilant les premières mesures qui resteront lettre morte: parrainage républicain, charte des droits et des devoirs, contrat d’accueil et d’intégration… Tout ça passe inaperçu, Hollande parle d’”enterrement en petite pompe”.
“Nous débattrons jusqu’à fin 2010« , affirmait Eric Besson l’an dernier pour ne pas s’avouer vaincu. Nicolas Sarkozy, début janvier, renchérit:
« Le débat, c’est bien mal me connaître que de croire qu’on va l’arrêter. Au contraire, nous allons le poursuivre, l’enrichir, l’amplifier, afin que pour chaque Français le mot nation et le mot république reprennent tout leur sens, quels que soient son origine, le quartier où l’on habite, le milieu social où l’on est né ».
Pour Fillon enfin, le débat pourrait se prolonger « pendant toute la durée du quinquennat« . Difficile à croire maintenant que le ministère censé le porter a disparu…
Reste que, pour plusieurs associations anti-racistes, la disparition du ministère de l’Identité nationale n’est pas un véritable renoncement:
“Au-delà de la disparition du libellé nauséabond de “l’identité nationale”, nous craignons que la thématique de l’identité “en danger” continue de se déployer« , prédit SOS Racisme.
« Le ministère de l’Identité nationale est simplement rebaptisé« , a renchéri le Conseil représentatif des associations noires (Cran), en s’étonnant du « maintien de Brice Hortefeux au gouvernement, alors même qu’il a été condamné en première instance » pour injure raciale.
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