Une rareté : le premier “vrai” film de Martin Scorsese, qui porte en germe son œuvre à venir. Sensuel et saignant, inventif et politique. Premier long métrage “professionnel” de Scorsese il y avait eu auparavant un essai quasi autobiographique interprété par Harvey Keitel, Who’s That Knocking at my Door , Bertha Boxcar est porté […]
Une rareté : le premier « vrai » film de Martin Scorsese, qui porte en germe son œuvre à venir. Sensuel et saignant, inventif et politique.
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Premier long métrage « professionnel » de Scorsese il y avait eu auparavant un essai quasi autobiographique interprété par Harvey Keitel, Who’s That Knocking at my Door , Bertha Boxcar est porté par les préoccupations et le style de l’auteur de Raging Bull. Rien de très étonnant de la part du cinéaste le plus obsessionnel et tourmenté de sa génération, qui parvient, dès ce titre très commercial, à imposer son talent virtuose, notamment grâce à une esthétique sophistiquée du montage (inserts de gros plans et accélérations rythmiques) déjà très au point de Thelma Schoonmaker.
Bertha Boxcar est produit par Roger Corman pour l’American International Pictures, compagnie spécialisée dans le cinéma d’exploitation. Corman employait des jeunes talents motivés et pas chers pour mettre en scène des films de genre avec une marge de liberté proportionnelle à l’étroitesse du budget. Malgré sa pingrerie légendaire, cet entrepreneur de spectacle avisé accordait une vraie confiance à ses poulains, passé les conseils préliminaires d’usage : de la nudité et de la violence à chaque bobine. Corman sera servi, puisque Scorsese va multiplier les scènes d’amour décomplexées entre Hershey et Carradine, amants à l’écran comme à la ville, et les gunfights sanguinolents influencés par Penn et Peckinpah. Le film s’achève sur un massacre qui annonce la tuerie salvatrice de Taxi Driver. Tiré d’une histoire vraie, Bertha Boxcar est une tentative avouée de profiter de la mode des films de gangsters en costumes, lancée par le succès de Bonnie et Clyde d’Arthur Penn et de Bloody Mama de Corman himself. Pendant la Grande Dépression, dans le Sud profond, Bertha Boxcar est une jeune femme insoumise qui va bientôt former avec son amant syndicaliste, un Yankee juif et un Noir, un gang de bandits au grand cœur pillant les trains d’une puissante compagnie ferroviaire. On trouve dans Bertha Boxcar des accents libertaires et anticapitalistes en vogue au début des années 70 aux Etats-Unis. Comme par hasard, Scorsese sortait à l’époque du montage harassant du documentaire Woodstock. Plus intime est la curieuse assimilation du héros socialiste à l’image du Christ, dès sa première apparition où il harangue une foule d’ouvriers, jusqu’à sa mort horrible, crucifié sur un wagon à bestiaux devant les yeux de sa maîtresse. Dans La Dernière Tentation du Christ, Scorsese filmera la mise en croix exactement de la même façon, et choisira Barbara Hershey pour interpréter Marie Madeleine. Bertha Boxcar est un film « féminin » de Scorsese, qui n’en tournera pas beaucoup d’autres (à l’exception notable du méconnu Alice n’habite plus ici). On peut le regretter, car il filme admirablement son héroïne, fille indépendante malmenée par la vie, amoureuse réduite à la prostitution et au crime par une société cruelle. Il ne pose pas sur elle le regard d’un catholique dévoyé, mais d’un cinéaste sensible et pudique.
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