François Fillon rempile après trois années et demies à Matignon. Du statut de « collaborateur », il est passé à celui d’homme fort de la majorité.
A 56 ans et déjà plus de trois années passées comme Premier ministre, François Fillon rempile donc à Matignon. S’il conserve son poste jusqu’en 2012, il rejoindra le cercle très fermé des Premier ministres restés cinq ans à ce siège éjectable, à l’image de Georges Pompidou, Raymond Barre et Lionel Jospin.
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Très apprécié des parlementaires UMP et des électeurs de la majorité, François Fillon est devenu l’une des cartes maîtresses d’un Nicolas Sarkozy si peu populaire qu’il aurait bien du mal à s’en passer. Le communiqué qu’il a publié ce dimanche en dit long sur le nouveau rapport de force au sommet de l’exécutif:
« Le Président de la République m’a demandé de conduire le Gouvernement. (…) La décision du Président m’oblige envers tous les Français. (…)
Après trois années et demi de réformes courageuses, conduites malgré une sévère crise économique et financière mondiale, je m’engage, sous l’autorité du chef de l’Etat, avec détermination, dans une nouvelle étape qui doit permettre à notre pays de renforcer la croissance de son économie au service de l’emploi, de promouvoir les solidarités et d’assurer la sécurité de tous les Français. »
Nicolas Sarkozy demande, François Fillon dispose. En somme, il entend bien « être respecté« , insiste un de ses proches, et peser sur la composition du gouvernement. Pas question, par exemple, de garder Fadela Amara qui l’avait traité de « bourgeois de la Sarthe« , pas question en revanche de se séparer de sa grande amie Roselyne Bachelot, malgré sa gestion critiquée au ministère de la Santé.
La sciatique et la canne
Que de chemin parcouru par celui qui avait dû avaler un certain nombre de couleuvres en arrivant à Matignon: le Président l’avait qualifié avec mépris de « collaborateur » et lui avait piqué, dans la foulée de sa nomination, la résidence de La Lanterne, traditionnellement dévolue au Premier ministre. Nicolas Sarkozy l’avait aussi humilié en réunissant un cercle de ministres restreint, le « G7 », sans l’associer et avait laissé ses conseillers, à commencer par Claude Guéant, marcher sur les plate-bandes de François Fillon sans sourciller…
Le 7 novembre 2007, après une interview sur Europe 1, François Fillon se lâche dans les couloirs de la radio. Interrogé par Benoît Duquesne sur ses relations avec Nicolas Sarkozy, il répond :
« Une fois sur deux j’ai envie d’y aller moi-même [sur le terrain] et c’est trop tard, ce qui était le cas des pêcheurs. Et puis souvent, le problème c’est que lui ne veut pas! »
Signe qui ne trompe pas, dans la foulée de ces humiliations à répétition, François Fillon est pris d’une sciatique carabinée et doit se déplacer avec une canne… Au petit soin, les huissiers de l’Assemblée nationale prennent l’habitude de lui installer un petit coussin pour que le Premier ministre parvienne à supporter – physiquement – les séances des questions d’actualité, chaque semaine.
Les chaussettes rouges
Et c’est finalement à l’Assemblée que le Premier ministre s’impose. Régulièrement ovationné par le groupe UMP pour ses prises de parole, en soulignant notamment qu’il ne rejoignait pas les déclarations de Nicolas Sarkozy et de ses proches associant immigration et délinquance, ou en employant le mot tabou à l’Elysee de « rigueur », il y est apparu indispensable à Nicolas Sarkozy pour conserver le soutien des troupes.
Il ne restait plus à François Fillon qu’à marquer sa différence politique, affirmant sur France 2 que Nicolas Sarkozy n’était pas son « mentor » et à affirmer son style sobre anti bling-bling, avec comme seul excentricité… ses chaussettes rouges prisées du Petit journal de Canal+.
Tout bascule le 3 novembre
Pourtant, à la fin août, reçu par Nicolas Sarkozy au fort de Brégançon, François Fillon vêtu de cette fameuse veste « la forestière » – qui a tant fait parler – plutôt qu’un costard cravate, paraît entamer sa tournée d’adieu. A la rentrée, alors que le Président lui demande de manifester son envie de rester, François Fillon ne moufte pas, accréditant l’impression qu’il commence à fatiguer de cette colaboration au sommet de l’Etat.
Ce n’est que le 3 novembre, alors que Jean-Louis Borloo fait figure de grand favori pour la course à Matignon, que François Fillon annonce publiquement, devant des ingénieurs et scientifiques réunis à Matignon, qu’il est candidat à sa propre succession « parce que l’on ne gagne rien à changer de cap au milieu de l’action« .
Au bout de trois ans et demi, François Fillon peut savourer… Nicolas Sarkozy lui a demandé de rester. Une revanche politique pour celui qui a longtemps été jugé, à l’Elysée, trop transparent.
Marion Mourgue
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