La série sportive revient avec une deuxième saison qui ne s‘éloigne pas de la formule qui a fait son succès en 2020.
Née au creux de l’été il y a un peu moins d’un an, Ted Lasso a installé définitivement Apple TV+ dans le game des plateformes. Les intéressantes The Morning Show et For All Mankind sont largement dépassées en hype. Pourtant, à l’inverse de l’image de toute-puissance dégagée par sa maison-mère, la série créée par un quatuor d’expérience (Bill Lawrence, Jason Sudeikis, Joe Kelly et Brendan Hunt) a choisi depuis ses débuts de jouer profil bas, déployant un casting largement composé de quasi inconnu·es – sauf Jason Sudeikis, dans le rôle principal, ainsi que Juno Temple – et un concept de comédie de groupe assez peu tapageur. Pour rappel, l’improbable pitch : un coach américain habitué au football du même nom débarque au pays du soccer, c’est-à-dire l’Angleterre. Il se retrouve à la tête du AFC Richmond, club fictif et néanmoins réaliste dans ses atours champêtres et passionnés.
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Retour aux bases
Tirée d’une série de vidéos promotionnelles de la chaîne NBC (qui avait acquis les droits de diffusion de la Premier League anglaise il y a quelques années), Ted Lasso a imposé durant sa première saison une tonalité à la fois vive et douce, assez singulière dans le paysage contemporain où faire le plus de bruit possible sert souvent de projet esthétique. La deuxième saison, qui nous parvient à l’ancienne, au rythme d’un épisode par semaine, se donne pour objectif d’approfondir cette direction. Et c’est déjà beaucoup.
Le coach et sa garde rapprochée – deux assistants, peut-être bientôt trois –, la propriétaire du club jouée par Hannah Wandingham, la responsable de la communication (émouvante Juno Temple), tous et toutes habitent maintenant la série comme si elle durait depuis dix ans. Leur façon d’entrer dans les scènes et dans nos vies impressionne par son naturel. C’est le résultat d’un labeur précis. Ted Lasso travaille avec acuité l’une des bases de l’art sériel : l’amour inconditionnel des personnages, leur primauté absolue sur toute forme de récit. Chaque événement se joue à partir d’elles et eux, dans leurs désirs et leurs angoisses intimes, sans autre but que celui de les mettre en lumière.
Légèreté et profondeur à la fois
On parle souvent, à propos de ce phénomène des comédies mondiales, de “bienveillance”, à cause du souriant personnage central joué par Jason Sudeikis, toujours positif, dont le quotidien est rythmé par de petites attentions aux autres et un management sans heurts. Au cœur de l’un des nouveaux épisodes, le coach se met dans la peau de son double maléfique, “Led Tasso”, pour une scène qui fait office de démonstration par l’absurde de ce que la série aurait pu construire (une figure masculine d’autorité “classique”) mais qu’elle esquive constamment.
Une autre bienveillance à l’œuvre ici, plus souterraine, se joue dans la manière qu’ont les scénaristes (dont le créateur de Scrubs, Spin City et Cougar Town) de mettre en application les principes de leur héros dans leur écriture – à moins que ce ne soit l’inverse : sous une légèreté de tous les instants, il y a une morale du regard dans Ted Lasso, une façon de donner à chacun·e sa place, son moment. Une forme de don. Dans l’épisode de Noël, assez irrésistible dans son classicisme tranquille, les créateurs offrent l’une des clés de leur approche, sous la forme d’une référence directe à La Vie est belle (1946) de Frank Capra. Une manière de raccrocher la série à une longue tradition qui donne envie d’en voir toujours plus.
Cette deuxième saison, très maîtrisée dans l’ensemble, ne souffre que d’un petit défaut : la place laissée au sport en lui-même, à la vie de vestiaire et aux matchs de l’équipe reléguée en deuxième division l’an précédent. Celle-ci a largement diminué. On aimerait en voir plus. L’équilibre de la série s’en trouve légèrement transformé, même si l’essentiel demeure : plus qu’une leçon de choses sur l’amour des autres et la gentillesse – ce qu’elle est aussi –, Ted Lasso ressemble à un éloge des perdant·tes en tous genres. Une leçon assez profonde pour être soulignée, aimée, soutenue.
Ted Lasso, saison 2, de Bill Lawrence et Jason Sudeikis, avec ce dernier, Hannah Waddingham, Juno Temple. Chaque vendredi sur Apple TV +.
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