LA BELLE ET LA BETE DE JEAN COCTEAU (1945)
avec Jean Marais et Josette Day (1 h 36, Studio Canal, environ 25 e)
LE FILM : Que veut une jeune fille ? Quelle météorologie instable anime ce qui se passe dans sa tête ? C’est l’essentiel du questionnement de La Belle et la Bête, féerie au noir de Jean Cocteau et première incursion comme réalisateur dans le cinéma tous publics (quinze ans après un premier coup d’éclat dans le film d’art avec Le Sang d’un poète).
La jeune fille sait-elle ce qu’elle veut ? Veut-elle ce qu’elle dit ? A son père qui lui demande ce qu’il pourrait lui rapporter de la ville, elle prétend ne vouloir qu’une rose (à l’inverse de ses sœurs vaniteuses, Belle fait la modeste). Mais cette rose fait d’elle à la fois la captive et la reine d’un monde nocturne et enchanté où les cheminées ouvrent les yeux et les chandeliers trouent les cloisons de leurs bras tendus.
Transformée en souillon par ses sœurs, elle devient très vite la cassante dompteuse de son geôlier à tête de lion. « Vous me flattez comme on flatte un animal ! », « Mais la Bête, vous êtes un animal ! », répond-elle avec un aplomb de grande dominatrice. Et lorsque celui-ci quitte sa peau de Bête pour revêtir les atours de Prince en s’inquiétant que tout cela (ces métamorphoses et ces méchants sorts) lui ait fait peur, elle confesse, un peu confuse : « Mais j’aime avoir peur ! » Les hommes sont doubles : riches ou pauvres, monstre ou prince. Les filles sont plus complexes. Il est impossible, au fond, de savoir si elles désirent les Princes ou les Bêtes.
LES DVD : Un documentaire composé d’interventions de Claude Arnaud, biographe de Cocteau, Jacques Fieschi (scénariste), mais aussi de la petite-nièce du poète, évoque le tournage tournage sur lequel Cocteau a écrit un livre, outil indispensable de tout apprenti-cinéaste : La Belle et la Bête, journal d’un film (1946). Beaucoup de clés biographiques sont avancées. Le masque de la Bête, et l’horreur que lui inspire sa nouvelle apparence, serait la transposition de la maladie de peau qui affecte le poète. Un universitaire propose une interprétation savante des grands motifs du conte occidental. A cela s’ajoute une assez belle galerie de photos de tournage, où l’on voit, entre autres, Josette Day fumer comme un pompier dans sa robe de princesse et Jean Marais attablé avec sa tête de lion à une table de cantine face à son verre de vin rouge.
Jean-Marc Lalanne
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}