FEMMES (THE WOMEN)
de George Cukor
avec Norma Shearer,Joan Crawford, Rosalind
Russell,Joan Fontaine (E.
-U., 1939, 2h08)
(Warner Bros, 15 Û)
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le modèle d’un des sous-genres du cinéma
classique américain – et qui lui a survécu de façon
pas toujours heureuse : la comédie misogyne.
LE FILM Peut-être à cause de 8 femmes de
François Ozon, où la destitution stylée des stars
n’étaitqu’occasion pour l’auteur de se faire les
dents (longues), la comédie misogyne est
devenue un genre dont on se méfie non
pour des raisons idéologiques (on peut
avoir des idées antipathiques et faire de
beaux films) mais artistiques, tant il condamne à la
sèche déclinaison de vérités la plupart du temps
convenues. Le cinéma américain classique en fit une de
ses spécialités, pour le pire et le meilleur. Gregory La
Cava par exemple, dont le très réputé Pension d’artistes,
qui dépeint la vie en collectivité de jeunes actrices
débutantes, laisse le souvenir d’une dramaturgie
péniblement saturée. Ou encore Mankiewicz
qui sut enrichir l’argument étique du genre
en lui offrant une structure très romanesque (Chaînes
conjugales) et en passant du strict comptage des
défauts masculins et féminins au constat d’une défaite
partagée (Eve et sa magnifique scène, dans la chambre,
entre George Sanders et Anne Baxter). Et Cukor
donc, dont le Women est devenu le modèle du genre.
Le film obéit brillamment à toutes les composantes
de la comédie misogyne : patiente construction en
parallèle de la disparition du fauteur (le mari) et de
l’apparition de la fautrice (la maîtresse), sens des objets
et expressions gimmick propageant la rumeur
(un méchant vernis « Jungle Red » associé au gentil
parfum « Summer Rain »), filmage et écriture « filés »
où les gestes et répliques s’enchaînent, se répondent,
s’entrechoquent et jouent ainsi la carte de la vaine
et toujours renouvelée course des soucis humains,
nuancier où tous les degrés de la méchanceté féminine
sont représentés. Dans le quatuor de tête, on trouve
la victime Norma Shearer, qui réussit à être séduisante
et pathétique, la méchante Joan Crawford dont les cils,
les dents et les ongles ne furent jamais aussi affžtés,
la commère Rosalind Russell, grande gigue chevaline,
et la naïve Joan Fontaine, tout en tremblements
réprimés. Cukor apporte plus précisément au genre la
tendresse des scènes d’amour maternel, une attention
particulière portée aux personnages encore pleins
de croyance, et, plus généralement, une légèreté de
touche qui fait de la misogynie, plutôt qu’une pensée,
une tournure d’esprit aux vertus aiguisées. On conseille
de faire suivre la vision de ce film de deux des plus
délicates comédies de Cukor : Holiday et Pat and Mike,
afin d’avoir une idée plus juste de son sens somme
toute subtil des personnages féminins.
LE DVD Pas de bonus.
{"type":"Banniere-Basse"}