Renaissance de maisons emblématiques, nouvelle vague de jeunes créateur·rice·s et nomination surprise animent cette saison de la haute couture.
Dîners peuplés de célébrités, premiers rangs de shows tapissés de portable : le monde de la mode revit IRL après une année de présentations en ligne. Si le format vidéo reste présent, exploité pour offrir une nouvelle expérience mode plus démocratique, les événements se succèdent et le calendrier traditionnel s’étire. Voici une haute couture qui déborde, cherchant à réinventer ses rythmes de diffusion.
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Le réveil haute couture de Balenciaga
Silence monacal et parterre de célébrités : pour son premier défilé haute couture chez Balenciaga, Demna Gvasalia rend hommage aux présentations mondaines d’après-guerre, sans perdre de vue la dimension instagrammable du temps présent.
Installé·e·s au premier rang, Kanye West, Bella Hadid, Aya Nakamura et d’autres ont pu découvrir une série de costumes tailoring aux épaules renversées, des manteaux-peignoirs en satin de soie, ou encore des looks full denim (total look jean) trouvant une grâce nouvelle sur des corps déliés de la binarité.
Si en 1968 Cristóbal Balenciaga renonçait à la haute couture face à la montée du prêt-à-porter, c’est pour pallier la fast fashion et la consommation automatisée que Demna Gvasalia transfigure en art la banalité des vêtements quotidiens et imagine de nouvelles règles pour le luxe de demain.
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Chanel, en dialogue avec le patrimoine de la mode
Si Karl Lagerfeld aimait transformer le Grand Palais en lieu de spectacle pour les présentations Chanel, Virginie Viard rompt la coutume et choisit le Palais Galliera, où se tient actuellement la rétrospective “Gabrielle Chanel, manifeste de mode”.
Instaurant un rapport dynamique à l’héritage de la maison, la directrice artistique revisite la marinière dans une version néo-lingerie, orne les tailleurs tweed de paillettes multicolores tandis que des chapeaux fleuris évoquent les débuts de chapelière de Coco Chanel.
Passé et futur se conjuguent dans cette collection haute couture. Ainsi Chanel se fait le mécène de l’histoire de la mode : le futur du luxe ?
Le cinéma Galliano pour Maison Margiela
À l’heure où les maisons renouent avec le podium, John Galliano choisit le grand écran pour présenter sa collection artisanale pour Maison Margiela. Avec le réalisateur français Olivier Dahan, il imagine A Folk Horror Tale, un long métrage entre conte et épouvante donnant le premier rôle au vêtement.
La fabrication du film nécessitant 12 jours de tournage et tout aussi artisanale que cette collection illuminant l’upcycling. Les miroirs brisés se transforment en robe-armure, et les vestes en denim issues de friperies surmontent des robes aux multiples jupons faussement vieillis (grâce à un procédé chimique développé par la maison et appelé “essorage”).
Si Roland Barthes écrivait que l’image est une émanation du réel passé, Galliano transforme le vêtement en médium de temps révolue sans renoncer aux innovations techniques.
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L’arrivée de Pieter Mulier chez Alaïa
Costumes tailleurs surmontés de capuchons à la Grace Jones, robes sculpturales marquant la taille et galbant la poitrine composent la première collection imaginée par Pieter Mulier chez Alaïa.
L’ancien bras droit de Raf Simons rend hommage à l’allure conquérante des héroïnes et réanime le lexique de la maison qui avait clos ses portes en 2017. Ceintures en cuir portées avec des mules plates façon Santiags, longues jupes stretchs articulées de bandeaux crop top dévoilant le dessous de la poitrine.
Si Azzedine Alaïa a promu une couture s’adaptant au corps de la femme plutôt que de le contraindre, Pieter Mulier prend le relais dans une ère où le corps sculpté n’est plus antonyme de féminisme.
Éclosion de nouveaux talents
Entre ombre et lumière, la semaine haute couture laisse entrevoir une nouvelle garde de créateur·rice·s. Charles De Vilmorin rompt avec les silhouettes hautes en couleur ayant fait sa renommée. Entièrement en noir, la collection oblige l’œil à se focaliser sur la technicité des coupes.
De son côté, Clara Daguin investit le Palais des Mirages, repoussant les frontières entre art et technologies, avec une collection couture interactive imaginée avec Jacquard by Google. Nécessitant entre 1 000 et 2 000 heures de travail, ces robes cybernétiques laissent entrevoir une nouvelle notion de l’artisanat.
Avec Louise Lyngh Bjerregaard, le travail de la maille est célébré dans une collection qui prend pour point de départ l’upcycling, stylisé dans une ode aux années 2000. Enfin, Andrea Brocca, jeune prodige baignant dans la mode depuis ses 13 ans, imagine un corps cubiste délié des impératifs normatifs de beauté avec des robes aux excroissances rappelant le travail critique de Rei Kawakubo dans sa collection “Body Meets Dress, Dress Meets Body” en 1997.
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Le retour de l’iconique Phoebe Philo
Chanel, Alaïa, Burberry… Les spéculations ne savaient où la placer pendant plus de 3 ans, Phoebe Philo lancera finalement sa propre marque à l’orée 2022, sous le nom de Phoebe Philo Studio.
Au tournant des années 2000, la créatrice passée par les bancs de Chloé impose une silhouette minimaliste chez Céline. Rompant avec l’ostentatoire, elle dessine une féminité post-crise des subprimes composée de larges pulls en cachemire et costumes déclinés dans des tons monochromes entre noir, beige et gris. En décembre 2017, Philo se retire. Son absence donne lieu à un véritable culte, comme en témoigne un compte Instagram (non-affilié à la marque) recensant ses collections avec plus de 380 000 followers.
Au cours de ces trois dernières années, l’héritage de Phoebe Philo a nourri une nouvelle garde de créateur·rice·s tel·le·s que Peter Do et son tailoring épuré, ou encore Rok Hwang prenant à rebours les changements de la mode pour créer une esthétique intemporelle.
À l’heure où les rythmes de la mode questionnent, Philo parviendra-t-elle à proposer le vestiaire intemporel tant attendu ?
Un calendrier décousu
Si la fonction du calendrier est de rassembler les designers et créer une émulsion créative, à l’heure post-confinement, chacun fixe son rythme.
Profitant du flux médiatique suscité par la semaine de la haute couture, Marc Jacobs a présenté en ligne une collection prêt-à-porter surréaliste composée de larges doudounes aux coloris pop. Dans des tons similaires mais des coupes radicalement différentes, Simon Porte Jacquemus renoue, de son côté, avec le défilé présentiel. Crop-tops, pantalons bootcuts et soutiens-gorge apparents habillaient Bella Hadid et Kendall Jenner, entre autres, faisant rapidement le tour d’Instagram.
De son côté Virgil Abloh crée le buzz chez Off-White, avec une performance de la chanteuse M.I.A. et réunit des tops légendaires telles qu’Amber Valletta et Joan Small. Pour Julien Dossena, sortir du calendrier permet de quitter Paris pour présenter à Monaco une collection Paco Rabanne prêt-à-porter en hommage à l’artiste Victor Vasarely. Quant à Anthony Vaccarello, il vogue vers Venice pour un show Saint Laurent présenté le 14 juillet.
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