C’est donc sur la grande carcasse engoncée de Gérard Depardieu que s’est ouverte La Semaine de la Critique.
Dans ce premier film de la réalisatrice suisse Constance Meyer, Depardieu incarne Georges, un acteur sur le déclin, pas très éloigné de lui-même ; bougon, râleur et emmerdeur, mais aussi tendre et enfantin. L’adjectif du titre aurait pu être accordé au pluriel puisqu’il partage l’affiche avec Déborah Lukumuena, César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Divines en 2017. Elle incarne Aïssa, une agente de sécurité au physique lui aussi imposant, pratiquant la lutte dès son uniforme rangé au placard.
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Suite au départ de l’agent qui chaperonnait habituellement Georges, Aïssa est affectée à la protection de l’acteur. Bien vite, elle réalise que ce rôle excède celui d’une garde rapprochée, mais ressemble plutôt à un mélange entre nounou et assistante personnelle. Elle l’aide à répéter ses dialogues, gère ses rendez-vous, son indiscipline et se retrouve aussi confrontée au profond sentiment de solitude qui le hante.
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Duo
Bon élève, le film est pavé de (trop) bonnes intentions. Si le cœur de ce premier long-métrage – la rencontre entre Aïssa et Georges – est filmée avec élégance et à l’économie, le reste du film empile les idées de scénario et de mise en scène de façon un peu stérile. Robuste aurait, par exemple, mérité d’être délesté de sa musique minimaliste à la Arvö Part dont on ne comprend pas vraiment l’intérêt, tout comme la passion qu’à Georges pour les poissons des abysses ou alors ces scènes où l’acteur se laisse aller trop facilement à une caricature de lui-même. On sent que Constance Meyer a voulu cocher toutes les cases ; faire à la fois un film sur un mythe de cinéma et sur sa rencontre fictionnelle avec une jeune actrice qui confirme ici son talent (et là c’est réussi), mais ajouter à cela un film social mais pas trop, stylisé et drôle sans être une franche comédie.
On dit que “qui trop embrasse, mal étreint”, et c’est ce dont souffre Robuste, mais cette question de la difficulté à étreindre est au fond aussi celle des deux personnages. Le film est l’histoire de corps massifs, que deux bras ne peuvent enlacer. Il raconte la dichotomie entre leur apparente force et leur fragilité intime. Georges et Aïssa ont chacun développé un art de la carapace, le premier veut se faire aimer en travestissant sa robustesse sous les traits d’un enfant capricieux et désespérément en recherche d’affection, tandis que la seconde se fait aimer en protégeant les autres, en maximisant sa corpulence pour l’utiliser comme un bouclier symbolique et mis au service d’autrui. Cette rencontre entre celle qui gonfle sa robustesse et celui qui la dégonfle, elle, est très belle.
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