Senka, ou la vraie vie. Avec sa mise en scène épurée, La Vie sauve est un bijou de simplicité et d’évidence : du cinéma qui coule de source. La Vie sauve ne fera sans doute pas la une des journaux. Pourtant, il y a plus de cinéma dans ce moyen métrage que dans “Roméo et […]
Senka, ou la vraie vie. Avec sa mise en scène épurée, La Vie sauve est un bijou de simplicité et d’évidence : du cinéma qui coule de source.
La Vie sauve ne fera sans doute pas la une des journaux. Pourtant, il y a plus de cinéma dans ce moyen métrage que dans « Roméo et Juliette sont sur un bateau qui coule ».
C’est l’histoire de Senka, une jeune femme qui accomplit l’acte qu’elle a décidé d’accomplir. C’est tout et c’est suffisant. Inutile d’en savoir davantage. Cette histoire simple et émouvante est racontée avec une telle économie de moyens, si peu d’insistances narratives, si peu de manières scénaristiques, et avec une telle confiance (récompensée) dans les capacités du cinéma et de compréhension du spectateur, qu’il faut laisser ce dernier la découvrir lui-même. Sur ce seul sujet néanmoins chargé d’affect parce que l’acte que commet la jeune femme n’est pas anodin, la projette à la fois dans un avenir incertain et un passé tragique , Alain Raoust construit peu à peu, avec patience et tact, un court et grand film lent et sans creux qui nous plonge dans la vraie vie, celle des entre-deux, dans ces zones de no man’s land situées entre la ville et la banlieue, entre un pays et un autre, entre le souvenir et l’espoir, la tristesse et la gaieté, l’amour et la solitude, le silence et la parole, le monologue et le dialogue. D’occupations anodines et quotidiennes, Raoust tire des scènes rigoureuses et abouties où les gestes les plus banals se lestent, par le cadrage et le montage, d’une charge symbolique. Il nous fait partager l’angoisse ou la peur du danger qu’éprouve l’héroïne en nous la montrant parler avec quelqu’un, échanger une somme d’argent contre un travail ou un billet de transport, ou simplement dire bonjour. Bref, Alain Raoust donne à voir ce qu’on ne voit pas mais qui existe, en axant toutes ces données rassemblées dans une seule direction, celle du film et celle choisie par l’héroïne. Que demander d’autre à un film ?
La Vie sauve impose le respect par sa seule mise en scène, ce même respect accordé par le cinéaste aux personnages. Jamais ce dernier ne cherche à leur faire dire ou accomplir davantage qu’ils ne le souhaiteraient. Du coup, on identifie sans y prendre garde les acteurs avec leurs personnages, comme rarement. Et ces personnages, c’est bien simple, on les aime. Pas comme on aime vaguement, non. On souffre, vit et aime avec eux, avec retenue. Les actrices, parlons-en : Mila Savic et Yasna Zivanovic sont tout simplement justes, juste où il faut.
On reprochera simplement à Raoust d’avoir dérapé (mais comment ne pas glisser une seule fois lorsqu’on marche sur un fil si fin ?) à un moment, dans la scène très inutile, grandiloquente et démagogique de l’homme sans travail.
Mais il y a dans La Vie sauve cette patience et cette capacité à la contemplation (voyez seulement l’admirable et jubilatoire scène d’attente du bus, avec son panoramique à 360°) qui fait les plus grands cinéastes, si les petits ou gros cochons ne les mangent pas.
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