Le duo formé par le chorégraphe congolais et l’interprète Moya Michael nous fait voyager de l’Amérique au Congo à travers la découverte d’une statue dans les collections du Metropolitian Museum de New York. À découvrir à Marseille jusqu’au 11 juillet.
Banataba, qui donne son nom au titre du spectacle de Faustin Linyekula, est tout autant son lieu d’origine qu’une terre étrangère. C’est le village de naissance de sa mère et de son clan, les Lengola, désormais installé·e·s à Kisangani, à plus de 100 kilomètres au nord-est de la République démocratique du Congo. Là où Faustin Linyekula a grandi puis installé sa compagnie, les Studios Kabako, lieu de recherche et de création où il retourne, inlassablement, depuis que ses créations chorégraphiques lui ont ouvert les portes du monde entier.
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Une statue délaissée
C’est au Metropolitan Museum de New York (Met) que naît Banataba, un duo entre le chorégraphe et la danseuse sud-africaine Moya Michael autour d’une statue, vecteur de sa perpétuelle recherche sur l’histoire de son pays. Invité à créer un projet au Met, il visite ses collections et tombe sur une statue du clan Lengola, considérée comme mineure par les conservateurs du musée et jamais montrée au public.
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Pour lui, c’est un point de départ évident pour continuer une recherche entamée depuis plus de 20 ans. “Car où que j’aille de par le monde, il me semble être toujours à la recherche d’un bout de Congo qui m’aiderait à rassembler les pièces de ce grand puzzle malmené par l’Histoire”, explique-t-il dans sa note d’intention. Avant d’ajouter : “C’est cet objet mineur conservé dans l’un des plus grands musées du monde qui nous a mis, à des dizaines de milliers de kilomètres de là, plusieurs semaines plus tard, ma mère, mon oncle, mon cousin et moi sur motos et pirogues en direction du village de Banataba.”
Renouer avec son histoire
Le fleuve Congo, filmé depuis une pirogue, ouvre le spectacle et nous mène, on l’imagine, à Banataba où une femme procède à des ablutions, entourée d’hommes. Rien n’est expliqué, seules s’imprègnent sur la rétine les sensations, la lumière, la langue parlée et chantée s’accordant aux sons de la nature. Un chant repris par les deux interprètes pour leur entrée en scène sur un plateau vide, à l’exception d’une estrade et de deux paquets recouverts de toile de jute, dont l’un ne sera jamais dévoilé. L’autre passe de main en main avant son ouverture. Les corps saisis de tremblements disent le rapport intime, profond, entre l’objet et les humains, et la relation qu’il instille entre l’arbre qui parle à travers la forme que le sculpteur lui donne et l’homme à qui il est destiné après une cérémonie. Sans cela, il ne reste qu’un morceau de bois.
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Tout cela, Faustin Linyekula le raconte et sa parole ponctue des moments de danse qui rythment la découverte d’une statue en pièces détachées déposées sur l’estrade puis sur tout l’espace du plateau, avant son assemblage final. La danse ample et déliée de Moya Michael – interprète dans les compagnies d’Akram Khan et d’Anne Teresa De Keersmaeker avant de créer ses propres pièces – opère en contrepoint de celle de Faustin Linyekula, fiévreuse et vive. A l’image des questions qu’il se pose sur la réappropriation culturelle, lui qui découvre Banataba et se sent “étranger sur la terre de ses ancêtres”. Comment renouer avec son histoire, s’y inscrire et y trouver sa place ? Comme conviées à y participer, des vols de mouettes bavardes et chantantes se sont invitées au spectacle, emportant au-delà du ciel de Marseille les paroles du chorégraphe, ses intentions et ses doutes, passeuses, elles aussi, d’une recherche qui nous concerne tous·tes. Un moment magique qu’on n’est pas prêt·e·s d’oublier.
Banataba, chorégraphie par Faustin Linyekula. Avec Moya Michael et Faustin Linyekula. Festival de Marseille, du 17 juin au 11 juillet.
Prochains spectacles : Borderline de Panaibra Gabriel Canda, 6 et 7 juillet. Itmahrag d’Olivier Dubois, 8 et 9 juillet. Nous serons tous dévorés par le feu de Radhouane El Meddeb et Malek Sebaï, 10 et 11 juillet. Room With A View, version performative, (LA)HORDE et Rone, 10 et 11 juillet.
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