Personnage inodore, incolore et sans saveur, Harry Potter est un adolescent sans grand intérêt, un garçon intellectuellement banal dans un univers extraordinaire. Ses seuls traits de caractère sont des qualités d’idiot : bravoure et susceptibilité (il ne s’énerve que quand on parle de ses parents en mal). Ses forces sont innées et tout ce qu’il […]
Personnage inodore, incolore et sans saveur, Harry Potter est un adolescent sans grand intérêt, un garçon intellectuellement banal dans un univers extraordinaire. Ses seuls traits de caractère sont des qualités d’idiot : bravoure et susceptibilité (il ne s’énerve que quand on parle de ses parents en mal). Ses forces sont innées et tout ce qu’il acquiert, il le doit à ses protecteurs (ses amis, ses profs). Ce qui le rend exceptionnel (sa victoire contre Voldemort quand il est bébé, sa cicatrice, son côté “je suis l’élu”), il ne le doit qu’à sa mère. Et c’est là que se situe tout l’enjeu de la créature de J. K. Rowling.
Dans chaque film (très/trop fidèle aux livres), les personnages qu’il rencontre pour la première fois ont toujours la même phrase, souvent répétée dans un même épisode : “Alors c’est toi, Harry Potter. Tu ressembles à ton père. Sauf les yeux, tu as les yeux de ta mère.”
Mais Harry Potter n’a pas seulement les yeux de sa mère, il est les yeux de sa mère. Il est un point de vue neutre, une porte d’accès à ce monde fabuleux, une véritable caméra vivante, avec pour preuve cette cape d’invisibilité qu’il porte sans cesse ou ces lunettes rondes devenues le symbole du personnage, ne devenant qu’une paire d’yeux et lui offrant ce point de vue omniscient du narrateur.
Oeuvre maternelle, la saga Harry Potter est surtout maternaliste, vampirisant la figure du fils jusque dans ses cauchemars pour n’en faire qu’un petit garçon sage, respectueux des règles (quand il est subversif, c’est avec l’autorisation du directeur), bon à l’école, fort en sport, soucieux du souvenir de sa mère et vierge (son coeur bat pour une jeune fille aussi fade que lui, qu’il embrasse pour la première fois à la fin du dernier épisode, à 18 ans, et qu’il épousera) et à qui les péripéties viennent au hasard pour le faire muer en héros, en leader malgré lui.
Harry Potter, c’est le fils en plastique rêvé de J. K. Rowling, le fils sans passion ni écart qui fait sa fierté, l’anti-punk, le bon fifils à sa maman. Et c’est pour cela qu’on ne l’aimera jamais.
Thomas Pietrois-Chabassier