Au premier abord, on est perplexe en constatant que Fire, comme le navrant Kama sutra, est un film indien tourné directement en anglais. On craint le produit d’exportation frelaté. Et puis non, il s’avère que Fire n’est pas une pâtisserie dégoulinante, mais une oeuvre contemporaine sans fioritures qui met à nu certaines des survivances et […]
Au premier abord, on est perplexe en constatant que Fire, comme le navrant Kama sutra, est un film indien tourné directement en anglais. On craint le produit d’exportation frelaté. Et puis non, il s’avère que Fire n’est pas une pâtisserie dégoulinante, mais une oeuvre contemporaine sans fioritures qui met à nu certaines des survivances et contradictions douloureuses de l’Inde moderne. La réalisatrice Deepa Mehta pointe ces dysfonctionnements grâce à la distance acquise après un exil de vingt-cinq ans au Canada où elle a tourné maints documentaires et longs métrages. Elle porte un regard cru, parfois dérangeant sur la vie des citadins indiens d’aujourd’hui. Avec une audace rare dans un pays d’où ne nous parviennent en général que des fables archaïsantes et intemporelles.
Brossant le portrait de Sita, jeune femme occidentalisée, prisonnière d’un mariage traditionnel arrangé par ses parents, la cinéaste pousse la situation à son comble : accueillie dans la famille de son époux, qui la néglige au profit de sa maîtresse chinoise, Sita trouve un réconfort auprès de sa belle-soeur, également délaissée par son mari dévot. Le réconfort débouchera sur l’homosexualité, tabou suprême en Orient. Une manière provocatrice de dénoncer les incohérences d’un système social hybride moderne en surface et ancestral en profondeur , dont pâtissent particulièrement les femmes orientales. Situation cruelle et absurde, provoquée en partie par l’attraction qu’exerce, via les moyens de communication, la civilisation occidentale.
Si stylistiquement le film n’est pas renversant, il a le mérite de présenter, loin des minauderies exotiques pour gogos, un tableau sans fard de l’existence quotidienne et de la misère sexuelle d’une famille moyenne dans une grande cité indienne. Ignorant le misérabilisme de bon ton tout en glissant insensiblement sur la pente flamboyante (cf. titre) du mélodrame, le film surprend constamment par des accents de trivialité peu communs dans le cinéma indien. Témoin, la scène cocasse où le domestique de la maison se masturbe en visionnant des cassettes porno, sous les yeux horrifiés de la matriarche muette et grabataire, intraitable gardienne des traditions.
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