En dépit de la consolidation du rôle d’internet et des chaînes d’information, les télévisions “classiques” veulent continuer de mener la danse pour la campagne présidentielle 2012.
C’était en 1988. Au siècle dernier. Les communicants de François Mitterrand, candidat à sa réélection sur le thème de “la France unie”, avaient mis au point un ballet bien réglé avec les journaux télévisés du soir. Chaque grand meeting du président sortant commençait à 20 heures pile, offrant aux militants et aux téléspectateurs la même image de François Mitterrand remontant une allée de drapeaux et ses premiers mots à la tribune.
Aujourd’hui, Franck Louvrier, responsable de la communication de Nicolas Sarkozy, président sortant, estime que la campagne 2012 “se fera surtout sur les chaînes d’info continue et Internet”.
“Tout le monde va sur LCI, BFM ou I-Télé, sachant que la parole va être démultipliée, et tout le monde a un compte Facebook et un compte Twitter.”
Au Parti socialiste, on estime qu’il “faut être présent sur tous les plans”. “C’est une campagne qui a deux instances : il faut la mener dans l’immédiateté, le tweet, les blogs, les bonnes formules. Pour les quelques-uns qui font l’opinion. Mais il y a aussi la grande opinion, qui ne vit pas à ce rythme. Le 20 heures, ça ne touche que la province, les quartiers populaires mais pas les quartiers bobos. Si vous touchez la première catégorie, vous avez l’illusion que la campagne fonctionne, mais vous avez perdu le gros des troupes. Si vous n’avez pas la première et que vous n’avez que le journal télévisé, vous êtes bousculé par les questions de la première catégorie”, explique un dirigeant de la rue de Solférino.
Fabien Namias, chef du service politique et économique de France 2, ne s’inquiète pas du tout de la montée en puissance des nouveaux médias et des petites chaînes d’info.
“Quand Martine Aubry est l’invitée du 20 heures un dimanche soir, elle fait 5,5 millions de téléspectateurs. Aucun média n’est capable d’en faire autant, l’impact des journaux télévisés reste totalement dominant”, souligne-t-il.
Pour ce journaliste, qui est passé par LCI et Europe 1, “il ne faut pas casser le côté grand-messe du 20 heures, qui donne du poids aux interventions”. “Que les chaînes d’information continue fassent plus en quantité, c’est normal mais les chaînes traditionnelles offrent des rendez-vous identifiés dans la journée (JT) et des émissions spécifiques. Il faut savoir aussi que l’audience cumulée des chaînes d’info sur une journée est inférieure à celle d’un 20 heures sur TF1 ou France 2 ! Il ne faut pas sous-estimer les chaînes d’info mais il ne faut pas les surestimer non plus”, précise-t-il.
Même discours chez François Bachy, chef du service politique de TF1. “On n’est pas dans le même ordre de grandeur. Quand François Fillon est venu dans notre nouvelle émission, Parole directe, il a réuni six millions de téléspectateurs.” François Bachy, qui officie aussi sur LCI, note d’ailleurs que “les chaînes d’info sont utilisées par les politiques, au même titre que l’AFP, pour donner des réactions rapides sur tout type d’événement”. Réactions qui sont généralement reprises, recyclées dans les 20 heures. Rien ne se perd. Tout se transforme.
Dans l’attente de la campagne de 2012, qui débutera réellement quand le candidat socialiste sera connu et quand Nicolas Sarkozy entrera en piste, TF1 et France 2 préparent leur dispositif.
“On veut être la chaîne de la présidentielle, avec beaucoup de politique dans les journaux, on a déjà un à deux sujets par 20 Heures et très souvent un invité politique. On a une émission spécifique, Des paroles et des actes, qui est mensuelle mais dont le rythme va s’intensifier. On peut arriver à une émission par semaine dans la dernière ligne droite, et puis le dimanche il y aura deux rendez-vous, à 13 heures et à 20 heures”, explique Fabien Namias.
“On sait que la campagne se fera beaucoup en direct, d’où sans doute cette référence des politiques aux chaînes d’info, mais on a prévu beaucoup de directs. On a beaucoup à apprendre du modèle anglo-saxon, avec des directs très efficaces et aussi l’expertise, le recul, la possibilité de passer au banc d’essai toutes les propositions des candidats. Sur France 2, on a fusionné les services politique et économique, on a les ressources en matière grise pour suivre la campagne. Elle existera chez nous, c’est un fait objectif”, conclut-il.
Sur TF1, Parole directe a été introduite dans le 20 heures. Elle est coanimée par Laurence Ferrari et François Bachy. D’autres rendez-vous seront créés mais “il est trop tôt encore pour le dire”, explique le chef du service politique.
Du côté des chaînes d’info, on joue le partenariat avec les radios pour accroître la visibilité et les possibilités de reprise. LCI est alliée à RTL et au Figaro et I-Télé a passé un accord avec Europe 1 pour retransmettre l’émission Le Grand Rendez-Vous, le dimanche, et les interviews politiques d’Arlette Chabot, la patronne de la rédaction de la rue François-Ier.
L’accord concerne aussi le quotidien Le Parisien. Rien ne garantit toutefois que faire de bonnes audiences soit synonyme de popularité ou de succès électoral. Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen attirent toujours beaucoup de téléspectateurs. Mais “en politique, souligne un responsable du PS, il faut distinguer le bruit, l’intérêt et le bruit positif”. Réponse en mai 2012.
Hélène Fontanaud et Marion Mourgue