En quelques scènes forestières, Lynne Stopkewich pose la nécrophilie de son héroïne Sandra, pourtant encore gamine. A ce moment-là, si la réalisatrice canadienne s’en sort bien, c’est qu’elle filme cette perversion comme la pulsion la plus naturelle qui soit. Le spectateur admet alors plutôt facilement que Sandra danse toute la nuit sur la tombe de […]
En quelques scènes forestières, Lynne Stopkewich pose la nécrophilie de son héroïne Sandra, pourtant encore gamine. A ce moment-là, si la réalisatrice canadienne s’en sort bien, c’est qu’elle filme cette perversion comme la pulsion la plus naturelle qui soit. Le spectateur admet alors plutôt facilement que Sandra danse toute la nuit sur la tombe de petits animaux fraîchement enterrés, qu’elle ait ses règles pour la première fois le jour où une bestiole morte saigne contre son ventre, ou qu’elle se fasse du bien avec le cadavre d’un écureuil. Et lorsque sa copine d’enfance, trouvant qu’elle va trop loin, rompt leur amitié, on déteste cette idiote pusillanime. On est du côté de Sandra comme on était du côté des héroïnes de Créatures célestes de Peter Jackson ou d’Un Ange à ma table de Jane Campion, pour rester dans des exemples esthétiquement comparables. Et puis, la jeune fille grandit. C’est Molly Parker, une vraie révélation, qui incarne alors avec classe et mystère la Sandra qui se fait embaucher dans une entreprise de pompes funèbres où elle apprend à embaumer les défunts, mais se met aussi à faire l’amour avec eux. La première fois, c’est assez érotique, mais beaucoup trop vite, la réalisatrice se met à associer à ces moments de plaisir des images nimbées de lumière blanche new-age. On commence à bloquer. On n’avait pas besoin de cette poésie de pacotille pour comprendre que Sandra a l’impression de traverser le néant et de rejoindre l’au-delà quand elle baise avec ses morts. Pire, Sandra entame une liaison avec Matt, un étudiant qui se passionne très vite pour les pratiques étranges de sa belle. Un peu dépassé par les événements, il a besoin qu’elle lui en raconte les détails. Erreur : après avoir été too much visuellement, voilà que Kissed devient bavard. Résultat : le film perd peu à peu tout son potentiel de fascination, d’émotion, voire de malaise. L’ironie discrète du début du film, son charme nonchalant se sont dilués dans un scénario démonstratif, une voix off inutile, une bande originale pléonastique et des images saint-sulpiciennes définitivement pénibles. Et le film s’achève de façon quasi-boulevardière en un drame conjugal prévisible… A l’avenir, si Lynne Stopkewich retrouve un sujet aussi fort, elle aura intérêt à dégraisser sa mise en scène.