Destination Angers. Le cinéma français rafle la mise à Angers 98, avec deux cinéastes emballants : Vincent Dietschy et Jacques Nolot. Claude-Eric Poiroux ne retient pour la compétition angevine que des premiers longs métrages d’origine européenne. A l’heure du compte rendu, on peut donc se livrer à une sorte de concours de l’Eurovision sans façon. […]
Destination Angers. Le cinéma français rafle la mise à Angers 98, avec deux cinéastes emballants : Vincent Dietschy et Jacques Nolot.
Claude-Eric Poiroux ne retient pour la compétition angevine que des premiers longs métrages d’origine européenne. A l’heure du compte rendu, on peut donc se livrer à une sorte de concours de l’Eurovision sans façon. Allô, la Grande-Bretagne, can you hear me ? Ça commence très mal avec Twenty four seven de Shane Meadows : du mauvais Mike Leigh en noir et blanc à oublier d’urgence. Ça s’arrange avec Under the skin de Carine Adler, le difficile travail de deuil de deux soeurs qui viennent de perdre leur mère. Aucune scène superflue : on suit sans décrocher la dérive d’Iris et Rose jusqu’à ce qu’elles reprennent enfin pied. D’Espagne, Familia de Fernando Leon fit davantage rigoler. Un scénario très malin desservi par une mise en scène bancale. Après Terra di mezzo de Matteo Garrone, documentaire-fiction italien racontant en tranches assez convaincantes le quotidien de prostituées noires, de réfugiés albanais et d’immigrés égyptiens, le cinéma français entrait en piste. Et quand on écrit France, c’est même la France profonde avec L’Arrière-pays de Jacques Nolot. Parce que sa mère est en train de mourir, un acteur d’une cinquantaine d’années revient dans son Sud-Ouest d’origine. Ouvertement autobiographique, le scénario évacue tout pathos. Le projet réussi de Nolot cinéaste est même de montrer à quel point, dans cette France-là, la mort est désacralisée. Mécaniquement, les gestes s’enchaînent, y compris ceux, rarement vus au cinéma, de la toilette de la morte. Mais cette désacralisation nonchalante ne vaut pas que pour la mort : même régime pour de complexes secrets de famille, pour l’homosexualité du fils prodigue… Nolot impose des scènes gonflées avec un lumineux talent et une réjouissante pointe d’humour.
Julie est amoureuse de Vincent Dietschy joue sur le registre a priori guilleret de la comédie d’été. Dans une ferme de Dordogne, Bart tente de monter Roméo et Juliette avec sa compagne Julie et quelques amateurs locaux. Mais le grand Michael Monk et son épouse viennent passer leur été dans la région. Les conflits vont se déclarer à tous les niveaux : couple, mise en scène, famille. Vincent Dietschy prend un malin plaisir à nous faire rire aux éclats de terrifiantes névroses. Julie est amoureuse est un film sur le pouvoir, sur la manipulation, sur la possession. Mais sa très grande élégance est de donner à tout cela des airs de marivaudage. Dietschy impose un rare sens du burlesque, un talent unique à chorégraphier une troupe de comédiens tous exceptionnels, un sens du cadrage impressionnant… Arrivés sans distributeurs à Angers, on voit mal comment ces deux films emballants pourraient rester sur les étagères de leurs producteurs.
Enfin, hors compétition, les bonnes surprises restaient françaises avec en ouverture Jeanne et le garçon formidable, la comédie musicale d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, et en clôture, Gadjo dilo, un nouvel hymne enthousiasmant de Tony Gatlif au peuple gitan.
Olivier Nicklaus