Après une longue campagne de censure, le gouvernement chinois célébrait déjà le carton de son dernier film de propagande, « Beginning of the Great Revival ». Problème : certains chiffres du box-office auraient été bidouillés par les salles de cinéma.
Le film Beginning of the Great Revival, lancé en grande pompe le 15 juin dernier par le régime chinois pour célébrer le 90e anniversaire du Parti communiste, arrive bientôt au terme de sa période d’exploitation. Imposé sur tous les écrans du pays (où la concurrence étrangère a été priée de dégager de l’affiche), promu par le gouvernement reconverti en attaché de presse et immunisé contre la critique par une géante campagne de censure, Beginning of the Great Revival était annoncé comme le plus grand succès potentiel du box-office chinois.
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http://youtu.be/ZaH-zR6M50A
Après trois semaines de diffusion, les premiers chiffres officiels du film, s’ils n’atteignent pas l’ambition fixée par le parti (1 milliard de yuans = 100 millions d’euros), confirment une éclatante réussite : plus de 11 millions d’euros de recettes sur le marché intérieur et 30 millions d’euros dans le monde. Mais alors même que le parti célébrait sa victoire, le quotidien hongkongais Apple Daily remet en cause ces chiffres et affirme que des billets vendus pour Beginning of the Great Revival auraient été contrefaits dans l’une des plus grandes chaînes de cinéma du pays.
Un système de billetterie faussé
Le quotidien hongkongais a publié trois photos de billets (reprises ici) vendus dans le réseau de salle incriminé. La mention de Beginning of the Great Revival, écrite par ordinateur, y est barrée et remplacée à la main par le titre d’un autre film (Kung Fu Panda 2 ou Wu Xia, les vrais choix des spectateurs). Dans un pays où les résultats du box-office sont comptabilisés à partir des ventes de billets générés par ordinateur, l’opération suppose une inscription automatique du titre du film de propagande sur les tickets -donc une fraude, explique le magazine Forbes.
La méthode, si elle avérée, aurait contribué à booster les recettes de Beginning of the Great Revival et viendrait contrarier un peu la success story vantée par le gouvernement. Le montant de la fraude (impossible à quantifier) pourrait atteindre des sommes considérables : l’exploitant mis en cause, Jinyi International Cinemas, revendique sur son site internet 400 salles dans tout le pays et une part de box-office de 75 millions d’euros en 2010.
Suffisamment, donc, pour relativiser les 105 millions de yuans (11,3 millions d’euros) récoltés sur le marché intérieur par le film de Sanping Han et Jianxin Huang. Sur les billets contrefaits découverts, les recettes auraient dû revenir à l’animé U.S Kung Fu Panda 2 et au film hongkongais Wu Xia. Son réalisateur, Peter Ho-Sun Chan, s’est déclaré inquiet au quotidien Apple Daily :
« Je me suis déjà plaint auprès des autorités compétentes, explique-t-il. Une enquête est en cours, j’espère seulement que tout ceci est faux. »
Une faille dans la communication
Les pertes pourraient être importantes pour Peter Ho-Sun Chan, dont le wu xia pan (film de sabre) avec les stars locales Donnie Yen et Tang Wei pariait justement sur un succès en Chine. Les studios Dreamworks ne devraient pas s’inquiéter au contraire des révélations de l’Apple Daily : en salle depuis plus d’un mois, Kung Fu Panda 2 a réalisé 94 millions de dollars de recettes en Chine. Mais le soupçon de fraude des réseaux d’exploitation pourrait bien refroidir un peu les ambitions chinoises des studios U.S : les Disney, Paramount, ou Warner Bros, qui militent pour la fin des quotas de films étrangers imposés par le régime et une installation définitive d’Hollywood en Chine.
Alors qu’il n’a pas encore été mis en cause, le gouvernement accuse une sérieuse baisse de confiance avec ces révélations de fraudes, qui concluent une opération de communication désastreuse menée pour la sortie de Beginning of the Great Revival. Coréalisée par Sanping Han et Jianxin Huang, cette fresque historique sur la création du Parti communiste (un des plus grands budgets de l’histoire du cinéma chinois) a été imposée sans partage dans toutes les salles du pays par le régime –suscitant la colère des spectateurs, toujours privés de Transformers 3 et du dernier volet de la franchise Harry Potter.
Les premières critiques (unanimement négatives) formulées contre le film sur les sites de cinéma populaires du pays (Douban Movie, et Mtime.com) avaient provoqué une vaste campagne de censure du gouvernement : accès aux commentaires bloqués, systèmes de notation (type Rotten Tomatoes) fermés… Billets poinçonnés.
Romain Blondeau
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