De Shohei Oguri, cinéaste nippon peu prolifique, on se souvenait de L’Aiguillon de la mort (1990), au sujet proche du récent Okaeri : le repli pathologique d’un couple sur lui-même quand la folie se déclare chez la femme. A cette grisâtre vision d’outre-tombe succède, sept ans après, cet Homme qui dort nettement plus serein, qui […]
De Shohei Oguri, cinéaste nippon peu prolifique, on se souvenait de L’Aiguillon de la mort (1990), au sujet proche du récent Okaeri : le repli pathologique d’un couple sur lui-même quand la folie se déclare chez la femme. A cette grisâtre vision d’outre-tombe succède, sept ans après, cet Homme qui dort nettement plus serein, qui s’inscrit dans un courant assez fréquenté par les réalisateurs japonais, dont on trouve des échos jusque dans L’Anguille : la reconquête d’une certaine tradition avec des films axés sur la vie paisible des petites gens de la campagne, loin de la furie économique et industrielle des mégapoles. Oguri explique qu’ici son but était de se dégager de « l’insistance sur le langage pratiquée en Europe, ou de cette façon qu’a le christianisme de mettre l’homme au centre de tout ». Cela ne l’empêche pas de placer un homme au cœur de son film, comme le titre l’indique. Mais un homme végétatif, perdu pour la société, atteint d’une léthargie chronique qui en fait une sorte de chaman, intermédiaire entre le monde naturel et les gens du village où il repose. Cela se traduit par un film sans réelle continuité narrative, une série d’instants ordinaires de la vie de quelques personnages, dont les parents du gisant, son ami d’enfance, électricien, et une gaijin (étrangère) mystérieuse d’Asie du Sud-Est qui travaille dans le night-club local. Tableau très fragmenté, donc, où alternent travaux des champs, scènes de repas, spectacle de nô, évocations nostalgiques du passé et plans épurés de paysages. Une sorte de chronique de la vie provinciale, finement observée… de loin. On s’installe dans un confort tranquille, presque lénifiant, jusqu’au moment où Oguri en vient à exprimer les liens magiques des humains avec la nature. Quand le dormeur finit par s’éteindre comme une bougie, le cinéaste essaie de nous faire sentir, par maints artifices, comment cette mort retentit sur le cosmos : l’âme s’échappe de la maison comme un courant d’air, l’étrangère communie avec l’esprit du défunt dans la forêt et voit un étrange animal, des halos irisés apparaissent… Du coup, le naturalisme diffus et discret de la chronique villageoise, sa simplicité prosaïque se diluent dans une imagerie ou trop kitsch ou pas assez. Et l’ambition d’Oguri de substituer un regard animiste au point de vue humaniste à l’occidentale reste un vœu pieux.
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