Pourquoi tant de haine ? Le 4 juillet, à deux jours de l’ouverture de la 65e édition du Festival d’Avignon, Le Figaro titre La liste noire du festival d’Avignon. Et la décline : la Comédie-Française, Molière, Fabrice Luchini, Pierre Arditi, Christian Schiaretti, Didier Bezace, Emmanuel Demarcy-Motta et Eric-Emmanuel Schmidt. Signé Nathalie Simon, l’article reprend mot à mot les […]
Pourquoi tant de haine ? Le 4 juillet, à deux jours de l’ouverture de la 65e édition du Festival d’Avignon, Le Figaro titre La liste noire du festival d’Avignon. Et la décline : la Comédie-Française, Molière, Fabrice Luchini, Pierre Arditi, Christian Schiaretti, Didier Bezace, Emmanuel Demarcy-Motta et Eric-Emmanuel Schmidt.
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Signé Nathalie Simon, l’article reprend mot à mot les noms déjà défendus par Armelle Héliot, journaliste au Figaro, lors de ce fameux « déjeuner off » auquel Frédéric Mitterrand avait convié quelques journalistes « pour parler du spectacle vivant en ces débuts de festival » le 29 juin dernier, mais dont rien ne devait filtrer.
Un chapelet de contre-vérités
On observe que Le Figaro parle d’une seule voix et met un point d’honneur à éreinter systématiquement la ligne artistique défendue depuis 2004 par les directeurs du festival d’Avignon, Vincent Baudriller et Hortense Archambault, en jetant l’opprobre :
« Qui connaît les artistes invités ? Les auteurs et metteurs en scène sont négligés au profit d’artistes étrangers dont on doit décrypter les notes d’intention pour comprendre les pièces. »
On s’étonne que Le Figaro qui s’intéresse tant, avec le ministère de la Culture, au destin du théâtre de l’Europe, l’Odéon, s’émeuve de leur présence. Outre les relents salement poujadistes concernant les artistes étrangers, cet article à charge débite un chapelet de contre-vérités. Sur 32 artistes invités – metteurs en scène, chorégraphes, performers ou chanteurs, 22 sont français. Boris Charmatz, artiste associé, Patrice Chéreau, Arthur Nauzyciel, Pascal Rambert, Vincent Macaigne, François Verret, Rachid Ouramdane, Jeanne Moreau et tant d’autres, apprécieront.
Mais le « meilleur » de l’article reste à venir :
« Pourquoi bannir des institutions comme la Comédie-Française ou négliger des metteurs en scène comme Didier Bezace ou Christian Schiaretti ? A quand un bon vieux Molière monté dans les costumes d’époque avec un comédien ‘fédérateur’ comme Pierre Arditi ou Fabrice Luchini ? »
Oui, à quand la mort de la création et le retour à une culture embaumée qui sent la naphtaline ? Jamais, à Dieu ne plaise, tout en rappelant qu’Avignon est un festival de création, depuis sa première édition en 1947 sous l’égide de Jean Vilar, qui programme des artistes et des œuvres et non des structures institutionnelles.
Liste noire… Le terme évoque l’ère du soupçon, du secret et du pouvoir occulte. Mais on tombe des nues quand Fabrice Luchini, interviewé par Nathalie Simon, déclare que « la manifestation est désormais le lieu d’une secte ». Cherchez le guide spirituel… Où l’on constate que l’acteur partage avec Céline, son auteur fétiche, un même goût pour la provocation haineuse, se souciant comme d’une guigne de la portée et des conséquences de ses accusations.
Fréquentation en hausse constante depuis 2004
Quant au public, ce fameux « spectateur lambda », dont Le Figaro croit utile de préciser « celui qui achète son billet en espérant être diverti ou ému », il serait perdu en route. Enfonçant le clou, Gérard Gelas, directeur du théâtre du Chêne noir d’Avignon, côté off, assène : « Pour le théâtre, c’est suicidaire. »
Mais les faits sont têtus et les chiffres infirment, pour ne pas dire qu’ils explosent ces propos. N’en déplaise au Figaro, la fréquentation du public d’Avignon est en constante augmentation depuis 2004 et atteignait en 2010 un taux record de 95% (116 000 billets délivrés pour une jauge totale de 122 000 places). La preuve par A plus B de la confiance toujours renouvelée du public.
Last but not least, Marianne rapporte cette semaine dans ses colonnes ces propos d’Armelle Héliot : « Au fil des années, Avignon est devenu le festival officiel des Inrockuptibles. » Si l’attaque est perfide, nous, on prend ça comme un compliment. Que la fête commence !
Fabienne Arvers
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