La très bonne idée du 23e Deauville fut de rendre hommage à l’ineffable John Waters. Ceux qui s’étonnent de l’association entre cet auteur longtemps underground et la vitrine des blockbusters à venir n’ont probablement jamais mis les pieds à Deauville. Colombages en trompe-l’œil, machines à sous assaillies par des mamies hystériques, hordes de fans dévastant […]
La très bonne idée du 23e Deauville fut de rendre hommage à l’ineffable John Waters. Ceux qui s’étonnent de l’association entre cet auteur longtemps underground et la vitrine des blockbusters à venir n’ont probablement jamais mis les pieds à Deauville. Colombages en trompe-l’œil, machines à sous assaillies par des mamies hystériques, hordes de fans dévastant les épaisses moquettes des palaces pour un autographe des 2B3, avalanches de Kit-Kat à l’heure de la sieste sous prétexte de sponsoring actif, etc. : Long John ne cachait pas sa joie en découvrant l’étonnante cité normande, fille naturelle de Lelouch et d’Eurodisney.
Le revers de la roborative rétrospective watersienne (dont une version XXL de Pink flamingos bientôt en salles) fut qu’on envisagea les nouveautés comiques à l’aune de son talent dévastateur. Dur pour Austin powers, parodie de films d’espionnage avec un Mike Myers grimaçant, ou George of the jungle, adaptation du mythique dessin animé de notre enfance. Dans le registre « le mauvais goût est mon parfum » se distingua cependant The House of Yes de Mark Waters, où la sarcastique Parker Posey incarne une héritière fêlée se prenant pour Jackie O. La pauvre ne peut faire l’amour qu’avec son frère, et encore, à condition de reconstituer l’assassinat de Kennedy. Le film souffre parfois de son dispositif claustrophobe, mais on décernera sans hésiter le Parasol d’or à ses dialogues cinglants, ainsi que les Planches d’argent à Geneviève Bujold pour une mère possessive d’anthologie. L’inceste rôdait dans bon nombre d’autres films en compétition, en particulier The Locusts de John Patrick Kelley, drame grotesque et interminable dans un Kansas improbable, ou The Myth of
fingerprints de Bart Freundlich, pâle photocopie d’Un Week-end en famille de Jodie Foster. Et pour continuer la lecture transversale, on ne comptait plus les scènes de visites en prison : voilà un nouveau genre qui s’annonce, mais la perspective de champs/contrechamps comme à Roland-Garros empêche qu’on s’en réjouisse. Globalement, la sélection deauvillaise ne péchait ni par le choix des sujets ni par la qualité des scripts. Deux des films les
plus remarqués de la sélection bénéficiaient même de scénarios remarquables. Le premier, Julian Po d’Alan Wade, fait atterrir un homme dans un village paumé dont les habitants se persuadent qu’il leur veut du mal. Quand il leur fait croire qu’il veut se suicider, ils s’y attachent progressivement. Une passionnante variation sur la paranoïa tristement desservie par une mise en scène trop velléitaire. Avec Sunday, Jonathan Nossiter signe lui aussi un scénario impressionnant. Dans cette rencontre amoureuse entre un homme et une femme ayant dépassé les âges limites en vigueur à Hollywood, on ne saura jamais qui est qui : une vieille actrice ayant reconnu un metteur en scène de renom, ou une nymphomane jetant son dévolu sur un pauvre type. La force de Sunday, c’est qu’on oublie finalement de s’interroger sur leur identité, pour ne plus guetter que les battements de leur cœur. Sunday est d’une grande sensibilité, il ne lui manque qu’un peu d’identité formelle pour accéder au statut de grand film. C’était le sentiment dominant à Deauville : si les auteurs arrivent encore à inventer des histoires, c’est moins le cas pour la mise en scène.
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