Tarantino délaisse le superflu pour l’essentiel en signant un film de rupture, comme un groupe qui pondrait un album acoustique après une suite de singles frénétiques.Tarantino prend le risque de décevoir ses aficionados en refusant de se plier à son image publicitaire : violence gratuite, mots d’auteur, artificialité assumée de la fiction et sous-culture fétichisée. […]
Tarantino délaisse le superflu pour l’essentiel en signant un film de rupture, comme un groupe qui pondrait un album acoustique après une suite de singles frénétiques.
Tarantino prend le risque de décevoir ses aficionados en refusant de se plier à son image publicitaire : violence gratuite, mots d’auteur, artificialité assumée de la fiction et sous-culture fétichisée. Au système narratif très brillant mais très corseté de Pulp Fiction répond la linéarité d’un récit plein de trous d’air et de temps morts. En s’inspirant pour la première fois d’un roman, Punch créole d’Elmore Leonard, plutôt que de ses propres condensés de mythologies minimales, Tarantino semble s’être approprié d’un seul coup ce qui manquait le plus cruellement à son cinéma de commentateur passionné et éclairé : des personnages épais et leur déploiement harmonieux dans du temps et de l’espace. Cinéaste-cinéphile qui se revendique comme tel, grand consommateur de vidéos, donc dépendant de l’effet de parcellisation qu’elles produisent, Tarantino n’hésite pas à sacrifier ce qui a fait sa gloire et sa réputation : le culte de l’extrait,
du climax vu et revu jusqu’à le connaître sous toutes les collures, ce que les encyclopédistes du cinéma appelaient autrefois des « morceaux de bravoure ». Alors que Pulp Fiction était bâti comme une série de vignettes séduisantes et extractibles à l’infini, Jackie Brown est impossible à dépecer de la sorte. C’est un film insécable, un long et beau concept album plutôt qu’une suite de singles frénétiques. On ne danse plus, on écoute. Et on découvre un cinéaste en pleine autocritique, qui choisit de faire son film contre le précédent, au lieu d’user et d’abuser des recettes qu’on était en droit d’attendre de lui.
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