D’un James Bond à l’autre se joue une dialectique subtile entre l’ancien et le nouveau, la répétition et la surprise, à partir d’une rhétorique venue, pour aller vite, du cinéma d’Hitchcock et des séries télévisées britanniques. Dans la période ascendante de la série, au temps de Sean Connery et du règne de l’idéologie pop, de […]
D’un James Bond à l’autre se joue une dialectique subtile entre l’ancien et le nouveau, la répétition et la surprise, à partir d’une rhétorique venue, pour aller vite, du cinéma d’Hitchcock et des séries télévisées britanniques. Dans la période ascendante de la série, au temps de Sean Connery et du règne de l’idéologie pop, de son euphorie consumériste et son goût de l’objet, il s’agissait d’accroître les effets de surprise et de sidération engendrés par les nouveaux gadgets utilisés, par les situations inattendues et les lieux exotiques. Tout se passe aujourd’hui comme si la dialectique d’origine s’était inversée. Au bout de dix-huit épisodes, l’essence de la série consiste davantage dans le retour attendu des mêmes éléments. L’understatement du héros, l’utilisation des gadgets, l’accumulation des femmes séduites par l’agent secret sont maintenant des indices conçus pour leur récurrence même et envisagés comme les marques de fabrique d’un produit soumis aux exigences aléatoires d’une concurrence sévère. Il s’agit moins d’étonner que de rassurer. Demain ne meurt jamais contient et répète différents signaux de reconnaissance perdus au milieu d’efforts divers destinés à hisser le film à la hauteur du cinéma d’action contemporain. La démesure triviale des productions Joel Silver (genre Armes fatales), le cinéma d’action asiatique (évoqué par une espionne chinoise pratiquant les arts martiaux), la précision technologique d’un James Cameron, toute cette esthétique se trouve annexée comme carburant par un film qui paraît ainsi être à la traîne de visions plus actuelles. Le « méchant » qui s’est mis en tête de réanimer la guerre froide entre Britanniques et Chinois est ici un magnat de la presse, décidé à déclencher un conflit nucléaire pour alimenter ses chaînes de télévision et ses journaux et parvenir à une domination totale des marchés de l’information. C’est au nom de sa capacité à être communiqué que l’événement a lieu. L’information précède souvent le fait et détermine son existence. Derrière les références à une situation actuelle (les pouvoirs d’un Murdoch, l’hégémonie de CNN), le film de Roger Spottiswoode spécule sur un devenir de l’événement virtuel, celui qui n’aura pas besoin d’avoir eu lieu pour exister. Le gadget de la voiture conduite sans chauffeur renvoie avec malice à cette hypothèse.
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