Marivaudages et badinages. Une nouvelle adaptation de Jane Austen, pas la moins modeste ni la moins réussie. Emma fourre son nez partout. Le but de sa vie est de marier Harriet, sa copine. De lui faire épouser le pasteur du coin ou le beau-fils de sa gouvernante, n’importe qui pouvant la rendre heureuse selon ses […]
Marivaudages et badinages. Une nouvelle adaptation de Jane Austen, pas la moins modeste ni la moins réussie.
Emma fourre son nez partout. Le but de sa vie est de marier Harriet, sa copine. De lui faire épouser le pasteur du coin ou le beau-fils de sa gouvernante, n’importe qui pouvant la rendre heureuse selon ses critères petits-bourgeois. Donc, surtout pas le fermier dont Harriet est éprise, trop pauvre. Flop complet car l’envahissante Emma (Gwyneth Paltrow, affectée, minaudant, enfant gâtée, parfaitement adaptée au rôle et à l’époque) ne comprend rien à la psychologie de son entourage, monte en vain la tête à sa copine nunuche (Toni Colette, revenue de Muriel toujours aussi emplie de candeur malheureuse), joue les Cyrano quand elle-même semble avoir bien du mal à s’occuper de sa propre personne. Méprises, déclarations qui n’en sont pas et non-dits qui en sont, Emma, l’entremetteuse est une succession légère de chassés-croisés dans l’atmosphère compassée des salons provinciaux de l’Angleterre du xviiie siècle. Oisifs, ces gens s’ennuient, leurs seuls passe-temps se résument aux commérages et marivaudages sans fin. Les uniques préoccupations des filles, souvent tournées en dérision chez cette féministe avant l’heure qu’était l’auteur Jane Austen, consistent à être accomplies (maîtriser le chant, la couture…) et à intriguer dans les soirées pour paraître à leur avantage. Certainement pas le plus abouti des romans de l’écrivain, Emma présente des personnages stéréotypés à la limite du cliché, dont le film ne s’échappe pas, sans jamais toutefois en faire trop dans le théâtral. Seul un déplaisant côté comtesse de Ségur « allons faire la charité aux pauvres » transparaît peu subtilement là où le roman met l’accent avec bonne volonté sur l’importance exagérée des différences de rangs, la pression sociale et la conscience de classes. Emma, l’entremetteuse souligne cependant avec justesse l’hypocrisie des bonnes tenues en société et du respect des apparences on ne s’aime pas, mais surtout, on ne le montre pas sous peine de réaction en chaîne : Untel ne nous parlera plus, d’où perte d’influence, déchéance mondaine et sociale. Rien de révolutionnaire toutefois, la jeune Emma frivole et libérée finit par faire des gaffes, s’amende moralement, devient charitable et en est récompensée. Happy-end écœurant, fidèle à l’intégralité de l’œuvre de l’auteur. Le travers habituel des adaptations cinématographiques austeniennes intrigue vite résumée en creuse bluette à l’eau de rose, ironie de l’auteur oubliée est ici évité. Malin, le scénariste réalisateur Douglas McGrath s’attache subtilement aux charmes ou aux travers de ses personnages… Filmant de façon modeste, loin des lourdeurs de James Ivory, McGrath collaborateur de Woody Allen sur le scénario de Coups de feu sur Broadway manie l’art de la comédie enlevée et transpose plutôt joliment le mélange de sensibilité, d’humour et d’étude de caractères du roman.