Du 19 mai au 26 septembre 2021, l’Institut du monde arabe rend hommage aux divas, d’Oum Kalthoum à Dalida.
Le titre de l’exposition Divas : d’Oum Kalthoum à Dalida ouvre doublement l’appétit. D’une part, il rassasie sur celles qui, bien connues, viennent spontanément à l’esprit. En tête, fatalement, Oum Kalthoum (1898-1975), diva des divas, “l’astre d’Orient”. Un mini mausolée en forme de loge-boudoir lui est consacré où sont montrés quelques tenues des scènes, ses célébrissimes lunettes noires, des pochettes de disques, des extraits de films et, bien vu, un antique poste de radio.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est en effet par les ondes que sa voix transporta le Proche-Orient jusqu’à se répandre dans tout le monde arabe. Deux de ses concerts mythiques à l’Olympia de Paris le 13 et 15 novembre 1967 rameutèrent à guichets fermés tout ce que la France comptait alors de travailleurs maghrébins émigrés, dont un jeune tunisien prometteur, Azzedine Alaïa, qui des années plus tard, en parlait encore tout tremblant d’émotions.
Mais ce juste hommage ne masque pas, bien au contraire, d’autres voix tout aussi prégnantes: des pionnières, telles Mounira Al-Mahdiyya (1885-1965), première à apparaître sur une scène cairote, Badia Masabni (1892-1974), créatrice du cabaret Casino Badia en plein centre du Caire, ou encore Assia Dagher (1908-1986) et Aziza Amir (1901-1952), toutes deux stars d’une cinématographie égyptienne naissante. Sans ces femmes à la fois chanteuses, actrices, femmes d’affaires et souvent militantes du nationalisme arabe, leurs héritières dans les années 1940-1970 n’auraient pas pu exister et acquérir une immense notoriété auprès de publics majoritairement masculins. Trois cas d’espèce : Asmahan (1912-1944), certes chanteuse et comédienne mais aussi espionne au service des Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale, ou encore Tahia Carioca (1919-1999), as de la danse du ventre, tout en s’affichant militante communiste. Et enfin Warda (1939-2012), divine chanteuse, proche du FLN algérien et réclamant l’indépendance du pays à longueur de refrains explicites: “De nos mains nous mettrons fin à la colonisation !”
>> A lire aussi : La Pinault Collection à la Bourse du Commerce se dévoile enfin, entre première surprenante et ironie timide
Pionnières du féminisme arabe
Deuxième festin de choix mitonné, tout de subtilité et d’intelligence, par Hanna Boghanim et Elodie Bouffard, co-commissaires de l’exposition : la mise en vedette de femmes arabes moins “divinisées” et adulées mais qui ne sont pas moins à leurs yeux, et désormais aux nôtres, des divas. Ainsi de Hoda Chaaraoui (1879-1947) et Ceza Nabaraoui (1897-1985) qui fondent en 1923 l’Union féministe égyptienne pour la défense des droits des femmes. Hoda Chaaraoui fut la première femme à se dévoiler publiquement et Ceza Nabaraoui (1897-1985) a été rédactrice en chef dans les années 20 de la revue féministe L’Egyptienne (Al-Misriyah) dont le sous-titre Sociologie, féminisme, art souligne le très courageux engagement politique.
La pertinente scénographie de l’exposition dévoile ces figures clefs sur des écrans en lanières que l’on franchit pour découvrir en contexte moultes archives cinématographiques, notamment sur le Caire dans les années “folles”.
Bien entendu, ces focus féministes, hier comme aujourd’hui, ne plairont pas à tout monde, ni dans la sphère arabo-musulmane, raidie dans le virilisme, ni dans notre univers occidental, où on admet toujours difficilement que des femmes soient au même premier plan que des hommes. Mais c’est l’honneur moral et politique de cette exposition d’avoir jeté sur son sujet un regard de biais, documenté et critique.
Divas contemporaines
Notes joyeuses et finales qui actualisent le propos, l’intervention d’artistes contemporains qui interprètent la divinité des divas : la photographe et vidéaste libanaise Randa Mirza associée au musicien et compositeur hip hop Waël Kodeih, les plasticiens et plasticiennes Lamia Ziadé, Shirin Neshat, Youssef Nabil, et le photographe Nabil Boutros.
Autre bonne idée : L’Institut du monde arabe met à disposition des filtres en réalité augmentée sur la plateforme Instagram pour permettre aux visiteur·euses de se photographier ou de se filmer, en diva et en musique. On brûle évidemment de s’y adonner, par exemple en flânant sur un quai du port d’Alexandrie dans la peau et les voilages sexy de la Franco-Egyptienne Dalida fredonnant: “Salma ya Salama, on est parti et revenu en paix !”
Divas du monde arabe, D’Oum Kalthoum à Dalida, à l’Institut du monde arabe -Du 19 mai au 26 septembre 2021.
{"type":"Banniere-Basse"}