A. S. L. x 2. Entre chroniques en vrac et journal de tournage, le doute et l’intelligence d’André S. Labarthe en deux petits livres. Qu’est-ce que l’art, André S. Labarthe ? Deux publications donnent par petits morceaux une réponse à cette question. A corps perdu, évidemment rassemble des textes publiés dans la revue Limelight et […]
A. S. L. x 2. Entre chroniques en vrac et journal de tournage, le doute et l’intelligence d’André S. Labarthe en deux petits livres.
Qu’est-ce que l’art, André S. Labarthe ? Deux publications donnent par petits morceaux une réponse à cette question. A corps perdu, évidemment rassemble des textes publiés dans la revue Limelight et qu’André S. Labarthe qualifie lui-même de notes « puisées presque au hasard dans des boîtes à chaussures ». Tout sujet lui est bon : cinéma, télévision, musique, danse, théâtre, photographie, peinture et même le vermicelle, la puce, le verre, le sexe ou les violettes. Il écrit au plaisir, court, à l’essence, pratique le haïku qui rit, le rêve d’une nuit ou l’aphorisme nonchalant, art de la frustration et de l’évidence qui, comme le violon, ne supporte ni la médiocrité ni l’à-peu-près et s’épanouit dans la littéralité. Les petites et grandes idées de Labarthe, serrées et non courtes , jouissent de leur propre jaillissement. Citer quelques-unes de ces perles (comme celle-ci, prise au hasard, « Apprenons à filmer les corps. L’âme suivra » ) serait rendre injustice au recueil, dont l’élégance tient à sa capacité à se contredire sans cesse, comme si penser était une activité qui se déroulait tellement hors de soi qu’elle ne pouvait se fixer sur aucune certitude autre que le corps unique qui l’a vue naître. De ces notes souvent jubilatoires, on ressortira avec le sentiment bien agréable, car rare, d’accéder à une sorte d’intelligence légère des choses.
Les décidément bien inspirées Editions Ciné-fils profitent de la diffusion télévisuelle (dans la série Un Siècle d’écrivains de France 3) et récente de Bataille à perte de vue, réalisé par Labarthe, pour publier le carnet de tournage d’icelui. Loin des certitudes d’A corps perdu, évidemment, ce journal de bord exprime le doute, la peur d’inscrire ou de faire pédagogique, la recherche du sens mais pas trop , de la rime, du sentiment, de la mise en scène. Fétichiste, Labarthe s’attache sans vergogne comme on s’accrocherait à une bouée aux voix qui donnent corps, aux corps qui donnent l’émotion, aux répétitions, mais hésite toujours à trop montrer : que faire, que lire, que filmer, comment, où, qui, quoi, etc. ? A force de flotter au milieu des interrogations, il finit par se fixer sur des images imparables. Grâce à elles, il comprend pourquoi il a accepté de tourner un film impossible sur l’œuvre de Georges Bataille : nul autre écrivain n’aurait pu mieux prouver que là où la littérature vit de l’énonciation et de l’affirmation, naît du vide (sans parler de la fomentation), le cinéma ne survit que dans le retranchement, la dissimulation et l’omission des images. Le cinéaste aura glissé au passage qu’il faut se méfier de ces mêmes images, du plaisir qu’elles procurent, de leur facilité à paraphraser et à illustrer. Il feindra encore de s’étonner que la réalité soit si poétique.
Qu’est-ce que l’art, André S. Labarthe ? Un flagrant délit, un objet trouvé, une convulsion.
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