On le sait désormais, la grande “idée” de Philippe Harel consiste à avoir filmé La Femme défendue en caméra subjective. Depuis le médiocre La Dame du lac de Robert Montgomery, on sait aussi que c’est une fausse bonne idée. Eventuellement intéressante pendant quelques secondes, lorsqu’il s’agit par exemple de nous faire sentir la menace d’un […]
On le sait désormais, la grande « idée » de Philippe Harel consiste à avoir filmé La Femme défendue en caméra subjective. Depuis le médiocre La Dame du lac de Robert Montgomery, on sait aussi que c’est une fausse bonne idée. Eventuellement intéressante pendant quelques secondes, lorsqu’il s’agit par exemple de nous faire sentir la menace d’un tueur invisible, la caméra subjective est un bon outil ponctuel mais ne fonctionne pas sur la durée sous peine de devenir un corset formel qui prive le public de toute liberté de regard ; le spectateur a besoin de sa position de spectateur, en dehors du spectacle, pour pouvoir mieux entrer dans le mouvement d’un film et dans ses personnages. La vision de La Femme défendue le prouve encore : la caméra subjective exclusive tourne rapidement au procédé rigide, stérile et agaçant.
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Harel a utilisé cette technique parce qu’il voulait radiographier une passion amoureuse sans complaisance. Le problème, c’est que son personnage masculin est assez imbuvable. Cadre supérieur à l’arrogance blasée, fier de sa réussite sociale, sûr de son pouvoir sur la jeune Muriel, François est le néo-beauf quadragénaire typique que l’on rêve de ne jamais devenir. C’est évidemment lui qui tient les rênes de la fiction : il fait les premiers pas, manipule Muriel, la déstabilise et bien sûr, sort vainqueur de toutes les résistances opposées par la jeune femme. Dans la romance version François/Philippe Harel, le sentiment amoureux s’écarte au profit d’un rapport de forces permanent, d’une suite de défis plus ou moins oiseux où l’homme est toujours maître du jeu. Plus tard, quand Muriel reprendra le dessus, quand François souffrira un peu, on s’en fichera complètement à cause de toute cette veulerie franchement désagréable. Et puis le scénario a beau se renverser, il ne peut rien contre le dispositif en béton de la mise en scène qui place l’homme en situation dominante permanente. Témoin, la scène de nudité : Muriel/Isabelle Carré se retrouve à poil sous les projecteurs pendant que François/Harel demeure protégé derrière la caméra ; le rapport metteur en scène/actrice dédouble et renforce celui de la fiction. Harel est ainsi dans la position du sniper tenant en joue Isabelle Carré (son charme, lumineux, et son jeu, remarquable, ne sont pas en cause) qui ressemble à un joli papillon prisonnier d’une cage de verre. Une femme vraiment mal défendue.
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