Récompensé à deux reprises par la Palme d’or cannoise (pour Pelle le conquérant en 1987 et Les Meilleures intentions en 1992), Bille August peut s’enorgueillir de ces médailles de grand cinéaste. Après La Maison aux esprits, grotesque pensum sorti il y a trois ans, voilà la preuve définitive qu’en l’occurrence, ces médailles sont en chocolat. […]
Récompensé à deux reprises par la Palme d’or cannoise (pour Pelle le conquérant en 1987 et Les Meilleures intentions en 1992), Bille August peut s’enorgueillir de ces médailles de grand cinéaste. Après La Maison aux esprits, grotesque pensum sorti il y a trois ans, voilà la preuve définitive qu’en l’occurrence, ces médailles sont en chocolat. Le best-seller de Peter Høeg dont est tiré le film sondait l’intériorité de la Smilla éponyme, jeune femme élevée au Groenland et rétive à l’univers urbain. A la faveur d’une intrigue policière complexe, elle y développait une spectaculaire phobie pour les rues de Copenhague et vivait recluse dans son immeuble où elle n’avait de véritables rapports qu’avec un petit voisin inuit. Seuls son goût et sa connaissance intime de la neige du pôle Nord (d’où le titre anglais, Smilla’s sense of snow), métaphore subtilement déclinée par l’auteur, lui permettaient de s’en sortir. Rien que le thème de la mégalopole angoissante a généré quelques-uns des plus beaux films du cinéma mondial, de La Rue (Karl Grune, 1923) à Metropolis (Fritz Lang, 1927), pour ne prendre que de vieux exemples. Ici, les scénaristes, sacrifiant aux canons hollywoodiens actuels, ont préféré resserrer l’intrigue autour d’un thriller industriel s’achevant dans de beaux paysages arctiques. On se serait volontiers laissé accrocher par ce suspense dont le point de départ est la mort mystérieuse du petit voisin. Mais même cette mécanique pourtant maintes fois éprouvée ne fonctionne pas. D’emblée, on a fait la part des bons et des mauvais. Et on imagine assez vite comment tout cela va finir. Surtout, pour reprendre un mot d’Alfred Hitchcock, Bille August est incapable de « charger l’écran d’émotion », ce que le sujet exigeait et ce que le décor du Grand Nord aurait pu favoriser. C’est comme s’il s’employait, scène après scène, à évacuer toute ambiguïté, à noyer tout mystère. Confondant. Reste les acteurs. Gabriel Byrne assure vaguement le minimum syndical. Quant à Julia Ormond, la pauvre, elle est à peu près aussi vive qu’une vieille endive qui a traîné trop longtemps en bas du frigo… Seule l’immense Vanessa Redgrave file le frisson l’espace de quelques répliques indignes de son infini talent. Smilla, Smilla : facile à dire, on a plutôt envie de pleurer.
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