Déjà complice de Tim Burton pour L’Etrange Noël de Monsieur Jack, Henry Selick réussit un conte merveilleux et grinçant. Pour les petits et les grands. Derrière ce film au titre gentil produit par Disney se cache Henry Selick, qui fit de brillants débuts dans le cinéma d’animation sous la houlette de Tim Burton avec L’Etrange […]
Déjà complice de Tim Burton pour L’Etrange Noël de Monsieur Jack, Henry Selick réussit un conte merveilleux et grinçant. Pour les petits et les grands.
Derrière ce film au titre gentil produit par Disney se cache Henry Selick, qui fit de brillants débuts dans le cinéma d’animation sous la houlette de Tim Burton avec L’Etrange Noël de Monsieur Jack. Cette fois, l’élève vole de ses propres ailes, ou presque (Burton reste coproducteur). Renouvelant son univers visuel en restant fidèle à son style, et faisant intervenir ponctuellement des acteurs en chair et en os, Selick réussit totalement son pari. Même si le film reste sous influence. Car bien qu’adapté d’une nouvelle de Roald Dahl auteur pour enfants assez cocasse, dont une nouvelle fut utilisée par Hitchcock pour la télévision , James et la pêche géante commence comme une mouture acidulée d’Edward aux mains d’argent mâtinée de Dickens. Devenu orphelin après qu’un mythique rhinocéros eut réduit ses parents à néant, James a été recueilli par ses tantes, Eponge et Piquette, deux effroyables sorcières jouisseuses dont il est le souffre-douleur et le factotum. Déjà à ce stade du film, en images réelles, les personnages sont des caricatures expressionnistes bien plus incarnées et typées que dans n’importe quel autre film pour enfants n’oublions pas que James et la pêche géante est avant tout un conte destiné aux petits… Les tantes rotent de contentement après un festin dont a été privé le neveu, qui n’a droit qu’à un mets rebutant : des têtes de poisson. C’est là où l’imagination magique de Selick fait merveille. Après avoir déclaré forfait devant le plat gerbant, James fouille dans la poubelle, en quête de reliefs alimentaires un peu plus ragoûtants. Il ne trouve qu’un paquet de chips dont il extrait quelques miettes. Mais, avec ce paquet vide, il se met à confectionner un ballon propulsé avec une petite bougie. Ballon qui entraînera James vers le vrai point de départ de l’histoire : l’irruption d’une pêche géante. A ce moment du conte, le personnage réel se transforme en marionnette et, à l’intérieur de la pêche devenue un dirigeable tracté par des mouettes, il voguera vers la Terre Promise, New York (symbole éminemment burtonien, cf. Batman), en compagnie d’autres émigrés aussi mal-aimés que lui, des insectes. Là, le cinéaste retrouve, en miniature, un univers proche de l’Etrange Noël… Tout comme les squelettes, fantômes et autres personnages morbides, ces insectes sont des parias sympathiques. Ils sont dotés de caractères anthropomorphiques précis, et vaguement calqués sur des personnages de cinéma : le Grillon imite Sherlock Holmes, le Mille-Pattes Popeye, l’Araignée chic et distante Greta Garbo, etc. Leurs humeurs, caprices et particularités biologiques alimentent le voyage merveilleux. Ainsi, exemple entre mille, c’est grâce au fil de l’araignée qu’ils peuvent arrimer leur ballon comestible à des mouettes. L’humour poétique du film provient précisément du hiatus de la double nature, anthropomorphe et animale, des personnages, sur laquelle eux-mêmes ironisent constamment. Ainsi, la plus grande hantise du ver de terre, parano fini, est d’être coupé en deux, et de devenir un double lui-même.
Ce sky-movie par analogie avec road-movie joyeux s’émaille d’intermèdes chantés (du vieux roublard Randy Newman) et de subplots, dont le plus éblouissant est une mini-odyssée sous-marine initiée par la recherche d’une boussole dans un cimetière de bateaux. Superbe épisode où James, l’Araignée et le Mille-Pattes sont aux prises avec des fantômes de pirates qui n’ont rien à envier en fantaisie macabre à leurs cousins terrestres de L’Etrange Noël… Moment hilarant où le Mille-Pattes se fait torturer par les pirates, qui l’étirent. Bref, un film enjoué mais constamment grinçant, qui, à l’instar du premier film d’Henry Selick (et Burton), redonne ses lettres de noblesse au cinéma enfantin en retrouvant la folie biscornue des contes de fées d’antan. Rien à voir avec le manichéisme des dessins animés classiques ou télévisuels. L’ingéniosité des faibles et des bancals l’emporte sur la force brute et l’héroïsme guerrier. La poésie baroque et arachnéenne de Selick, faite d’associations d’idées doucement délirantes, est aussi une leçon à méditer par un certain cinéma « adulte », scotché sur un vérisme accablant.
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