Carlos Diegues est un cas d’école de cinéaste passé de la négation du spectacle à son acceptation enthousiaste. Ses premiers longs métrages l’apparentent au cinema novo, à l’instar d’un Glauber Rocha. Trente ans après, en adaptant un fameux roman de Jorge Amado, il stigmatise de manière ludique l’arrivée du progrès dans un village pauvre et […]
Carlos Diegues est un cas d’école de cinéaste passé de la négation du spectacle à son acceptation enthousiaste. Ses premiers longs métrages l’apparentent au cinema novo, à l’instar d’un Glauber Rocha. Trente ans après, en adaptant un fameux roman de Jorge Amado, il stigmatise de manière ludique l’arrivée du progrès dans un village pauvre et rétrograde. Les immeubles en béton risquent de dénaturer les paysages idylliques. Mais parallèlement, la liberté sexuelle pourrait faire voler en éclats un conservatisme crispé. Cette deuxième option plus attrayante est symbolisée par le personnage de Tieta, autrefois chassée du village par son père parce qu’elle fricotait avant le mariage et qui revient aujourd’hui la tête haute, riche, belle, accueillie comme une reine, alors qu’elle se révélera plus prosaïquement mère maquerelle. Rarement un film aura autant dû à son actrice principale. C’est Sonia Braga qui incarne Tieta avec une santé, une générosité et un aplomb roboratifs. On n’est pas surpris d’apprendre qu’elle a elle-même acheté les droits du roman, tant ce personnage lui convient. Il y a un effet snuff-movie dans le choix de cette actrice pour ce rôle. Sonia Braga a en effet commencé sa carrière au Brésil, avant de s’exiler pendant douze ans aux Etats-Unis où on l’a remarquée dans Le Baiser de la femme araignée d’Hector Babenco ou Milagro de Robert Redford. Dans un Brésil traumatisé par l’hégémonie américaine, son retour au pays provoque de troublantes résonances avec celui de son personnage. Elle s’est « vendue » aux Américains mais on la fête. A 45 ans, pétante de santé, Sonia comme Tieta emballe absolument tout le monde. Ce va-et-vient entre réalité et fiction rend le film de Carlos Diegues symptomatique des contradictions du Brésil contemporain. Certes, la liberté sexuelle peut apparaître comme un combat d’arrière-garde. Seulement, la jubilation avec laquelle Diegues défend la sensualité débordante de son personnage, puis la contagion de cette fièvre au reste du village, emporte finalement le morceau. Trop long parce que trop généreux, parfois maladroit à force d’enthousiasme, souffrant de temps à autre d’une fascination un peu gratuite pour les paysages de rêve qu’offre le pays et de l’omniprésence de la bossa-nova de Caetano Veloso, Tieta do Brasil reste un film emballant qui met habilement en scène les dilemmes de la culture nationale.
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