Greenaway a beau essayer de nous en mettre plein la vue, il n’est qu’un cinéaste clinquant et imbus de sa virtuosité.
En situant son nouveau film du côté du Soleil-Levant et en fondant son histoire sur la calligraphie orientale, Peter Greenaway, cinéaste pompeux, pensait peut-être s’autotransfuser un peu de la grâce et de la finesse du cinéma japonais. Il est vrai que la beauté des pictogrammes inscrits sur l’écran et sur les corps des acteurs déclenche dans l’inconscient cinéphile tel plan d’un scribe accroupi d’Ozu ou tel autre du peintre Utamaro exerçant son art sur le dos des geishas dans le beau film de Mizoguchi. Mais la greffe culturelle, le transfert d’élégance ne fonctionnent pas vraiment : The Pillow book est le film globalement chargé et creux (on n’en sauvera qu’une ou deux séquences, mais pas le tout) d’un cinéaste qui apparaît ici comme le touriste anglais branché, prétentieux et féru d’exotisme qu’il est. La belle Nagiko (superbe Vivian Wu) cherche l’amant-calligraphe idéal qui saura au mieux utiliser son corps comme papier. Elle tombe finalement amoureuse d’un Anglais (Ewan McGregor, le Renton de Trainspotting) qui la persuade d’inverser les rôles : elle sera la calligraphe, il sera le livre/corps. Mais l’amant vit une aventure avec un éditeur et la jeune femme écrit sur le corps d’autres hommes le couple entre en zone de turbulences. Greenaway se sert de cette histoire pour orchestrer un dispositif complexe où l’art de la calligraphie, la culture littéraire, l’érotisme et la mort se fondent dans un même creuset esthète, une même volonté d’ascèse vers la beauté et l’extase. Mais Greenaway n’étant pas oriental, il n’arrive pas à se départir de son regard d’étranger, distant et froid, sur un art et un état d’esprit millénaires. The Pillow book est un bibelot très clinquant, très impressionnant en surface, mais incapable de véhiculer la moindre émotion. Il est vrai que pendant les premières minutes du film, on ne sait plus où donner des yeux et des oreilles. Greenaway met en place toute une batterie de stratagèmes esthétiques : splitscreens, surimpressions, textes défilant sur l’image, voix off, flashbacks, images en fenêtres comme dans un CD-Rom. C’est sûr, Greenaway est au courant de toutes les techniques de l’image, de tous les gadgets à la page il est up to date. Mais il le fait tellement savoir, saturant l’écran de signes, écrasant la part romanesque de son histoire sous un déluge de virtuosité vaine, tuant ses personnages de son ego artistique démesuré, qu’il finit vite par lasser. L’héroïne écrit son œuvre sur la chair de treize hommes, incarnant treize livres. Arrivé au sixième, soit à peu près la moitié du film, on se met à les décompter comme un appelé compte ses derniers jours de service national : pressé de connaître enfin la quille. Pour couronner le tout, on voit défiler nombre d’éphèbes à poil et à peine une fille, ce qui déçoit beaucoup l’hétéro-beauf qui sommeille en nous.
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