Pour dénoncer la loi contre le téléchargement illégal, qui révulse les internautes, Alex de la Iglesia, président de l’Académie espagnole du cinéma, a démissionné, se mettant à dos le monde de la culture.
Figure de proue du cinéma ibère des années 90, Alex de la Iglesia fut élu il y a deux ans à la tête de l’Académie espagnole du cinéma. Son mandat a débuté avec une déclaration fracassante. Il a reconnu avoir téléchargé des contenus illégaux, “notamment des pornos ».
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De la Iglesia, dont le dernier film Balada triste sort en France la semaine prochaine, se retrouve au centre d’une des polémiques les plus violentes de ces derniers temps. Le réalisateur a provoqué la colère de ses coreligionnaires en s’opposant à la loi Sinde, version espagnole de l’Hadopi, que l’exécutif s’apprête à mettre en place à la fin du mois. Proche des internautes, qui dénonçaient une loi liberticide, Alex de la Iglesia est allé jusqu’à démissionner avec fracas, déçu par le dialogue de sourds engagé par le gouvernement socialiste de Zapatero, en pleine agonie politique.
L’Espagne, champion européen du téléchargement
A la différence de l’Hadopi, le texte espagnol ne cible pas l’internaute, mais les sites qui fournissent des contenus illégaux. L’objet de la polémique est la création d’une nouvelle agence de la propriété intellectuelle, qui aura pleins pouvoirs pour fermer des sites après l’envoi de trois avertissements. Face aux critiques des internautes – et aux réserves de la droite, qui s’est retrouvée dans le rôle paradoxal de gardienne des libertés publiques –, le gouvernement a fini par accepter que le processus soit supervisé par un juge, même si les garanties sont toujours estimées trop faibles.
L’exécutif espère chasser les corsaires du net et perdre son leadership européen en matière de piratage. En 2008, BayTSP, société chargée d’envoyer des avertissements, plaçait l’Espagne à la tête de l’Europe en nombre de téléchargements illégaux, avec près de 24,7 millions d’échanges par an. La tendance s’est accentuée et les téléchargements auraient augmenté de plus de 10% par an. Même l’administration Obama s’en est inquiétée, d’après des câbles révélés par WikiLeaks.
Une loi soutenue par Almodóvar
Alex de la Iglesia n’a pas eu peur d’aller au clash, quitte à ternir son image parmi les créateurs, résolument favorables à la nouvelle législation. Toutes les grandes personnalités du cinéma espagnol, comme Almodóvar et Amenábar, ont soutenu la loi sans états d’âme, ainsi que la réalisatrice Icíar Bollaín (Même la pluie), numéro deux de l’Académie du cinéma, qui a vivement critiqué “la crise inutile” ouverte par Alex de la Iglesia. Son ami Gerardo Herrero, producteur de Balada triste, n’a pas hésité à diagnostiquer dans sa volonté de dialoguer avec les internautes un “syndrome de Stockholm”. “C’est comme si le ministère de la Santé négociait avec les trafiquants de cocaïne”, a-t-il comparé.
L’Académie a fini par lui préférer un successeur de la vieille école : Enrique González Macho, qui a commencé son mandat en remerciant la ministre de la Culture, la scénariste Angeles González- Sinde, qui a donné son nom à la loi.
“Il faut traquer ceux qui, jusque-là, n’ont pas hésité à nous spolier”, a expliqué González Macho.
Pendant ce temps, Alex de la Iglesia s’est concentré sur son nouveau tournage, un film sur la crise avec Salma Hayek. “Je vais continuer à faire des gaffes, mais maintenant comme réalisateur”, a-t-il tranché.
Alex Vicente
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