Benoît Jacquot réussit une très drôle “comédie du remariage” et propose un nouvel axiome du couple.Comme son titre l’indique clairement, Le Septième ciel est un film consacré à la pesanteur. Aux vieux clichés sur le couple du genre “L’un s’ennuie et l’autre souffre”, Jacquot répond par une formule inédite : l’une plane, l’autre pas. Entre […]
Benoît Jacquot réussit une très drôle « comédie du remariage » et propose un nouvel axiome du couple.Comme son titre l’indique clairement, Le Septième ciel est un film consacré à la pesanteur. Aux vieux clichés sur le couple du genre « L’un s’ennuie et l’autre souffre », Jacquot répond par une formule inédite : l’une plane, l’autre pas.
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Entre Mathilde dont la blondeur éthérée semble flotter sur des fonds rouges de salles de spectacle et Nico, qui s’englue dans un réel social et techniciste, le point de rencontre amoureux est devenu inatteignable. On le sait, l’amour n’est pas une idée, c’est une pratique, un travail, disent les plus lucides, et pas des plus aisés. Quand ils pratiquent l’amour physique, justement, ces deux-là ont un point de synchronisme encore plus déficient que la moyenne : l’un vient, l’autre pas. Et c’est à force de ne pas s’envoyer en l’air que Mathilde plane, de plus en plus haut. La jouissance féminine comme point d’ancrage obligé, voilà une idée amusante. L’imaginaire le plus débridé comme moyen de se rattacher à une réalité quotidienne en voie d’évaporation progressive, en voilà une autre.
Comme réaction vitale au mal qui la mine, Mathilde met au point toute une série de projections. Elle commence donc par trouver le projecteur le plus adéquat, à la fois le plus puissant et le plus improbable : un hypnotiseur. Comme on dit, elle se fait un maximum de cinéma. Et ça marche. Parce que le réel n’est préhensible que s’il est travaillé. Et que le cinéma, ça sert à ça.
Dans cette première partie consacrée au composant féminin du couple, Jacquot oppose l’idée de stimulation à celle de simulation. Plutôt que de donner le change à son mari en poussant quelques râles (hypothèse courante), Mathilde choisit de lui proposer un changement à vue auquel il ne pourra pas résister. Elle tient son public dans le creux de sa main, elle l’a ferré, elle ne le lâchera plus. C’est en se soignant clandestinement, en se nimbant donc de mystère, qu’elle est redevenue intéressante aux yeux de celui qu’elle aime.
Ce principe de l’éloignement apparent, dont la véritable fonction de réunion finale reste cachée à celui qui en est le jouet, est vieux comme la comédie. C’est la base même de toutes les « comédies du remariage » que savaient si bien faire les grands Américains des années 30. Et il est piquant que Jacquot soit parti d’un postulat de film noir psychanalytique pour arriver à un traitement digne de Cukor ou La Cava, jeux de mots lacaniens et guitrisme bien français se chargeant du rapprochement. Selon l’expression consacrée, Nico orthopédiste de son métier va « marcher » à fond devant l’histoire dissimulée par sa femme, et même courir. C’est là, au milieu de la poursuite vers l’échappée de l’autre, qu’est réintroduit un élément indispensable à la conduite du récit : le suspens. Car si Le Septième ciel est un film souvent très drôle, ses enjeux restent rien de moins que dramatiques. Pour ce couple, il s’agit de digérer un traitement de choc et de ne pas éclater sous les coups du bouleversement des apparences.
Après le point d’équilibre miraculeux de La Fille seule, le cinéma de Jacquot se soumettait lui aussi à cette tension-là, en prenant le risque énorme de traiter le récepteur-garçon aussi bien que l’émetteur-fille. Il en sort renouvelé mais pas amoindri. Bien qu’il soit toujours un peu plus à l’aise avec la part féminine (on ne se refait pas), Jacquot traite le « mauvais public » mâle avec infiniment de tendresse. Si Ariane tiendra toujours le fil du désir, son amoureux sait rester digne au milieu du dédale de sens, sans veulerie forcée et sans grimaces pathétiques. Son désarroi devant le gouffre n’est jamais tourné en ridicule. S’il perd pied quand sa femme prend enfin le sien, c’est que lui aussi est capable d’abandonner ses certitudes pour une dérive féconde. Il saura créer du jeu aux deux sens de cette expression dans sa rigoureuse architecture de vie. Exactement comme ce film à la fois coupant et volatil.
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