Olivier Cohen, le fondateur et directeur des Editions de L’Olivier, fête les trente ans de sa maison avec la création d’une collection de poches.
C’est dans les locaux de sa maison d’édition, boulevard du Montparnasse, qu’on le rencontre. Il y a trente ans, Olivier Cohen lançait L’Olivier, petite structure adossée au Seuil qui allait faire sa place dans l’édition française, jusqu’à décrocher le Goncourt en 2019 avec un de ses auteurs historiques : Jean-Paul Dubois. Le secret du succès, hormis la fidélité à ses auteur·rices : avoir fait lire au public hexagonal des romancier·ières américain·es ou anglais·es devenu·es depuis incontournables : entre autres Raymond Carver, Jay McInerney, Will Self, Alice Munro, Cormac McCarthy, Richard Ford, Jonathan Safran Foer, Cynthia Ozick. Pour fêter son anniversaire, la maison a lancé en janvier dernier une collection de poche. Tout au long de l’année seront ainsi publiés 18 titres, parmi ceux qui ont fait son histoire. Le 27 mai sortiront ainsi Le garçon incassable de Florence Seyvos et Middlesex de Jeffrey Eugenides.
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Avec, comme toujours chez L’Olivier, des couvertures qui bousculent les habitudes et surprennent sur les tables des librairies.
Parlez-nous de cette nouvelle collection.
Olivier Cohen – Elle est constituée de gens qui sont les piliers de cette maison. McCarthy, Zenatti, Brisac, Franzen, Dubois et d’autres, chacun en représente une facette et tous ont contribué à construire sa personnalité. Pour fêter les trente ans, je ne voulais pas quelque chose d’ennuyeux, je n’aime pas trop les commémorations. Nous avons prévu la réédition de 18 titres, mais c’est très peu parmi ceux qui ont marqué l’histoire de L’Olivier, aussi je pense que nous allons prolonger l’existence de cette collection au-delà de 2021. Elle n’entre pas en concurrence avec les poches habituels, publiés par Points, mais propose quelque chose en plus. L’accueil en librairie est très favorable.
Comment avez-vous conçu les couvertures ?
Cette année est une année charnière : trente ans est l’équivalent d’une génération, un cycle se termine et un autre commence. Aussi, je ne voulais pas que cette collection ressemble à ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. Je préférais qu’on invente quelque chose tout en restant dans l’esprit de John McConnell, le designer anglais qui a créé le logo et dessiné la couverture historique de L’Olivier. J’ai cherché quelqu’un de totalement étranger à toute cette histoire et nous avons trouvé la graphiste française Maya Palma. Très rapidement je me suis dit : c’est elle. Elle a une forme d’ingénuité qui correspond exactement à ce qu’il fallait, et un talent pour les formes et les couleurs. Je trouve intéressant de renouveler le contact qu’on a avec un roman. Grâce à ces nouvelles couvertures, nous tentons de changer quelque chose dans la perception qu’on peut avoir des titres. Méridien de sang, par exemple, n’est pas le livre le plus connu de Cormac McCarthy, bien des gens ignorent son existence. Pour moi, c’est son chef d’œuvre et il va enfin toucher un nouveau public.
Qu’est-ce qui lie les auteur·rices publié·es dans cette collection ?
Vous allez trouver ça prétentieux, mais ce qu’ils ont en commun, c’est moi. Il y a comme un fil qui me relie à chacun de ces livres. Et même si je ne les ai pas dessinées, je retrouve dans ces couvertures quelque chose de la relation parfois secrète que j’ai avec ces auteurs. C’est assez magique tout cela.
L’Amérique fait partie de l’ADN de la maison. La part de cette littérature est-elle différente aujourd’hui à L’Olivier ?
Aujourd’hui, je m’intéresse à la littérature anglophone, pas nécessairement américaine. Nous avons commencé à publier des écrivaines irlandaises. Il se passe quelque chose là-bas, vraiment. On a eu la main heureuse avec Sally Rooney, on a acheté les droits de son premier roman pour une bouchée de pain et on ne pouvait pas savoir qu’elle aurait autant de succès. Il y a aussi Nicole Flattery. Ça me réjouit et m’excite autant qu’il y a vingt ans, quand je découvrais toutes les semaines un jeune auteur américain. Je ne suis pas le seul de mon âge à avoir eu cette fascination pour l’Amérique. J’ai baigné pendant des années dans leur littérature et leur cinéma de genre, j’ai vu des centaines de westerns, films de guerre ou policiers. Je me sentais chez moi, à force. Dès mes 25 ans, j’allais aux Etats-Unis régulièrement. On n’était pas très nombreux à fréquenter le milieu littéraire new-yorkais, je m’y suis fait beaucoup d’amis et j’étais presque plus à l’aise là-bas que dans le milieu parisien qui me paraissait conventionnel, ennuyeux. Ça a beaucoup changé, mais il y a eu toute une époque où il y avait la mafia des prix, tout ça. C’était tellement vieillot et casse-pied, quand j’arrivais à New York, je respirais.
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Qu’est-ce qui a changé ici en 30 ans ?
En l’espace d’une génération, il y a eu une professionnalisation du métier. Quand j’ai commencé à travailler, je sortais de normale sup et j’ai débuté comme secrétaire d’édition, il n’existait pas de formation spécifique. Aujourd’hui, il y a toutes sortes de masters mais ce qui ne change pas dans ce métier c’est que, pour réussir, il faut un minimum de flair.
Vous avez recruté Nathalie Zberro l’an dernier comme directrice générale adjointe. La place des femmes dans l’édition a changé ?
Les grands groupes sont toujours dirigés par des hommes, mais c’est vrai qu’il y a aujourd’hui beaucoup de femmes et ça a changé certaines choses. Le renouveau du féminisme bénéficie de leur présence. De plus, il me semble que les femmes sont plus attentives au contenu et à la relation avec les auteurs qu’au fait d’exercer un pouvoir. En ce qui concerne Nathalie Zberro, j’avais besoin d’un bras droit, quelqu’un qui puisse faire la transition après mon départ, dont je connaisse les capacités, qui ait une vision globale du métier et du caractère. Nathalie Zberro était la candidate idéale : elle avait déjà travaillé ici et me semblait posséder toutes ces qualités. Et aujourd’hui, à part moi, il n’y a que des femmes à L’Olivier.
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