Jean-Marie et Marine, les deux faces d’une même pièce “Le Pen” ? C’est la thèse du livre de Fourest et Venner, qui devrait aider les crédules à retrouver la raison.
Quand on a rencontré Jean-Marie Le Pen pour notre article « Portrait de Marine Le Pen en fille de sa mère », nous avons parlé de l’hostilité du Front national au droit à l’avortement. « Simone Veil n’était là que parce que c’était une femme, juive et déportée », nous a dit le président d’honneur du Front national.
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Quelques semaines plus tôt, Marine Le Pen déplorait que « les femmes n’ont plus le droit de ne pas le faire » (avorter). C’est toute la thèse que développent Caroline Fourest et Fiammetta Venner dans leur livre Marine Le Pen : le père et la fille sont les deux faces de la même pièce. L’un choisit l’outrance, l’autre de se rendre digeste en se présentant en rescapée du politiquement correct.
Marine se porte caution des idées de son père
Essayiste et chroniqueuse au Monde, Caroline Fourest estime Marine Le Pen portée par le sentiment de l’injustice faite à son père incompris.
« J’ai été frappée par le gouffre qui m’apparaissait entre l’homme décrit et l’homme réel, que je côtoyais régulièrement », écrivait la fille de Jean-Marie dans son autobiographie A contre flots en 2006.
Dédiaboliser le parti, c’est reprendre les idées du père, s’en porter caution. Les camps de concentration, un « détail » de la Seconde Guerre mondiale ? La fille met les sorties les plus choquantes de Jean-Marie Le Pen sur le dos d’une différence de génération, d’un « logiciel qui n’est pas le sien », comme si les propos antisémites de son père n’étaient que le produit de son époque. Le Pen raciste ? A la « cellule image » du FN, Marine Le Pen rhabille la communication du parti en 2007 avec une affiche mettant en scène une Beurette dont on aperçoit le string.
Les points de repères des Le Pen père et fille sont certainement différents. Venue à la politique sur le tard, Marine Le Pen, expliquent les deux auteurs, « a raté les grands combats qui font l’identité d’un militant d’extrême droite : la décolonisation, l’anti-Mai 68, l’anticommunisme même l’anti-mitterrandisme ». Elle se positionne sur des sujets qui n’étaient pas dans le paysage du père :
« Il lui reste l’après-11 Septembre, l’anti-intégrisme musulman, la crise financière, le multiculturalisme, écrivent encore Fourest et Venner. C’est ce contexte et non un changement de cap qui explique leurs nuances. »
Les thèmes de la République et de la laïcité ne servent au Front national qu’à « déguiser ses vieilles obsessions ». Ce jeu d’héritage et de distance – comme s’il ne fallait garder que le meilleur – est aussi celui auquel s’applique la nouvelle garde, moins connue, dont un des derniers chapitres dresse les portraits.
Faire connaître le nouveau visage du FN
Pour le travail biographique, on préférera le livre de Christiane Chombeau, Le Pen, fille et père, malheureusement épuisé. L’ancienne journaliste du Monde a retrouvé les témoins, reconstruit la chronologie, confronté les versions. Vite expédié dans le livre de Fourest et Venner.
Les mécanismes de « dédiabolisation » sont le véritable coeur du livre. Ce portrait d’une candidate à la fois « martyr des médias et médiatisée » qui blague et tape des clopes à des journalistes perdus sur la distance à garder n’est pas sans rappeler le Nicolas Sarkozy du ministère de l’Intérieur. Les purges à la droite du parti, les skinheads écartés des manifs, les dérapages du père sont autant d’occasions d’attirer l’attention sur le nouveau visage du Front national.
Quand on avait demandé à Jean-Marie Le Pen s’il avait déjà envisagé qu’en se mariant, sa fille Marine change de nom, il nous avait répondu « non, ce ne serait pas majoratif ». Autrement dit, la marque Le Pen, c’est le socle de la promesse. Le prénom signe la dédiabolisation. Un prénom et un nom, rappellent Fourest et Venner, voilà qui porte deux messages. Et citant la présidente du FN : « Le Pen pour l’immigration. Marine pour le social. »
Guillemette Faure
Marine Le Pen de Caroline Fourest et Fiammetta Venner, Grasset, 430 pages, 20€
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