Avec sa façade aux fenêtres opaques et son nom qui fleure bon les années 80, le restaurant L’Arpège du chef triplement étoilé Alain Passard ressemble à un club échangiste. C’est là qu’on a rendez-vous avec Christophe Blain, à l’occasion de la sortie d’En cuisine avec Alain Passard, BD alléchante entre livre de recettes, portrait documentaire […]
Avec sa façade aux fenêtres opaques et son nom qui fleure bon les années 80, le restaurant L’Arpège du chef triplement étoilé Alain Passard ressemble à un club échangiste. C’est là qu’on a rendez-vous avec Christophe Blain, à l’occasion de la sortie d’En cuisine avec Alain Passard, BD alléchante entre livre de recettes, portrait documentaire et oeuvre complètement « blainesque », avec un personnage principal (le chef) haut en couleur et en mouvements. En guise d’apéritif, on sirote un thé vert.
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« Le thé vert, c’est typiquement Passard. C’est le truc de la maison. Je suis un habitué », s’amuse Christophe Blain.
Alors qu’arrive la première entrée, le succulent OEuf parfait (poché à très basse température, accompagné d’une émulsion de parmesan, d’ail frais, de poivre de Malaisie et de fleur d’échalote), Blain explique la genèse du livre, cinq ans pendant lesquels il put de temps en temps humer l’ambiance des cuisines, observer et dessiner le chef en action, goûter les plats gorgés de légumes frais, la spécialité.
« J’avais quasiment fini la BD il y a trois ans. Et puis il y a eu Quai d’Orsay et Alain a sorti un livre de son côté. Tout a pris du retard, je ne suis pas venu à L’Arpège pendant un an et demi. C’est bien, parce qu’entre-temps, tout avait changé. Le chef fonctionne par obsession, les menus peuvent varier d’une semaine à l’autre. Je n’y ai jamais mangé deux fois de la même façon. »
A peine la deuxième entrée (jardinière de légumes avec émulsion au parmesan et aux herbes) terminée, Christophe lâche un soupir énamouré en voyant la suite : « Ah les raviolis… » (plongés dans un consommé de petits pois et de fleur de sureau, exquis). Mais on n’a toujours pas vu le chef qui, si l’on en croit la BD, tourbillonne en cuisine, s’émerveille de ses légumes, et tente quelques mariages étonnants.
« Quand tu le connais, Alain est généralement disponible le midi et peut faire des expériences. Avec moi, il a fait des trucs uniques, comme une salade avec un petit artichaut cru. C’était pas mal » (moue amusée…). »
Autour de la quatrième entrée (pommes de terre nouvelles, basilic pourpre, émulsion aux herbes et mousseline d’ail et d’hysope, miam), Christophe explique qu’il n’a pas toujours été servi en salle comme aujourd’hui, ce qui ne l’a pas empêché d’être royalement traité.
« Ça nous est arrivé de manger à la bonne franquette. Une fois, on s’est juste partagé une carcasse de canard, comme ça. Mais même quand on mangeait en cuisine, sur la paillasse, Alain donnait toujours le couteau adapté, faisait toujours très attention au service. »
Suit une saucisse végétale, puis la robe des champs Arlequin (légumes parsemés d’une semoule à l’huile d’argan et saucisse aux légumes et à la harissa), et un extraordinaire canard à l’hibiscus. « Je cale un peu », avoue-t-il – mais il finira toujours son assiette. Bec fin, Christophe fait pourtant « rarement la cuisine », d’où ce regard de Candide émerveillé tout au long du livre.
« Je n’ai jamais fait ses recettes. Je n’ai pas envie. Je n’ai jamais amené de copains non plus ici. Tant que je fais le livre, c’est juste moi et mon imaginaire. »
Le service bientôt terminé, le chef paraît. Il virevolte entre les tables, se fait prendre en photo, ravi, avec une cliente. Puis nous demande : « On se fait un petit bout de frometon ? Attention, parce qu’après il y a le dessert. »
Les desserts, plutôt : mignardises aux légumes, curieuses mais fameuses, crème brûlée à l’ail et au citron confit, crème glacée à la fleur d’acacia. La conclusion délicieuse (oui, avec de l’ail dans la crème brûlée !) d’un repas copieux mais tout en légèreté. « Je ne me suis jamais senti lourd en sortant », sourit Christophe. Il est prêt à recommencer, et nous aussi.
Anne-Claire Norot
En cuisine avec Alain Passard, Gallimard, 88 pages, 17 euros.
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