Tiré d’un livre de Boileau-Narcejac, le projet des Victimes était alléchant : autour de deux sœurs aux identités qui se confondent, gravitent deux hommes, un mari et un amant. S’ensuit un jeu de manipulations où l’on est censé ne plus savoir qui tire les ficelles et qui est la victime. Ainsi Pierre Duval, jeune éditeur, […]
Tiré d’un livre de Boileau-Narcejac, le projet des Victimes était alléchant : autour de deux sœurs aux identités qui se confondent, gravitent deux hommes, un mari et un amant. S’ensuit un jeu de manipulations où l’on est censé ne plus savoir qui tire les ficelles et qui est la victime.
Ainsi Pierre Duval, jeune éditeur, tombé amoureux jusqu’à l’obsession d’une certaine Manou, femme fatale et insaisissable. Il n’a guère qu’une certitude à son égard : son vrai prénom est Claire, et elle est l’épouse de Bernard Jaillac, ingénieur. Ce dernier doit partir pour le Maroc diriger la construction d’un barrage : Claire annonce à Duval sa décision d’accompagner son mari. Ne pouvant supporter l’idée de son absence, Duval s’arrange pour faire partie du voyage. Mais à l’arrivée, Duval se retrouve seul avec Jaillac. L’action, déplacée au Maroc sur les lieux naturels du barrage, se recentre sur les deux hommes. Amené sur le territoire du mari, l’amant devient vite sa proie. Encerclé par les paysages vertigineux, malmené par le caractère froid et énigmatique de Jaillac et privé de la présence de Claire, Duval pressent le danger mais se perd en conjectures. Sa paranoïa naturelle s’accroît, déstructure son espace mental, et lui interdit peu à peu tout discernement. La machination va ainsi se resserrer autour de lui, jusqu’à l’aveu final.
Ce scénario néo-hitchcockien était certes prometteur, mais le résultat l’est beaucoup moins (on songe à ce qu’avait fait le grand Alfred de Vertigo, également d’après Boileau-Narcejac). Premier obstacle : le choix de Vincent Lindon pour interpréter Duval. Manquant de tout fièvre, charisme, évolution dans son jeu , le rôle lui glisse dessus sans qu’il sache comment l’endosser. Second ratage, les dialogues, qui charrient les poncifs habituels sur l’amour, le mystère, le mensonge… Mais le problème majeur se situe dans le parti pris du réalisateur de formuler à voix haute les suppositions de Duval. A intervalles réguliers, Lindon est filmé en train de monologuer sur l’action en cours. Le récit est ainsi rendu bavard, redondant et indigeste. Le mystère, la fluidité du film, la castration mentale du personnage de Duval sont mis à sac par ces grossiers effets à répétition. Dommage que Patrick Grandperret ait eu peur du silence : on aurait aussi bien compris l’intrigue, et celle-ci aurait été mieux tirée vers le cinéma la plus grande victime de ce film.
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