Entre la volonté d’assurer la légitimité de films de durées diverses mais courtes face à l’uniformisation des formes cinématographiques distribuées (une heure et demie ou plus) et l’incapacité d’établir des critères d’unification autres que délirants (est déclaré court tout film de moins d’une heure), les défenseurs du court métrage militent pour un objet non défini, […]
Entre la volonté d’assurer la légitimité de films de durées diverses mais courtes face à l’uniformisation des formes cinématographiques distribuées (une heure et demie ou plus) et l’incapacité d’établir des critères d’unification autres que délirants (est déclaré court tout film de moins d’une heure), les défenseurs du court métrage militent pour un objet non défini, donc, en termes de lutte, inexistant. Entre ceux auxquels on pense lorsqu’on évoque le court métrage comme activité cinématographique spécifique (Resnais, Marker, Franju… pour en rester aux Français), et qui sont peu nombreux, et les réalisateurs de courts tels qu’on les découvre dans les festivals ou à la télé, et qui sont légion, il y a une idée qui s’est perdue : celle selon laquelle ce format ne doit pas faire, en plus court, la même chose que le long, mais autre chose. Films institutionnels, scientifiques, pédagogiques, manifestes politiques ou poétiques sont autant de sujets qui trouvaient leur accomplissement dans des formats courts : les premiers ont été abandonnés au profit de la forme télévisuelle et désastreuse du reportage, et les seconds, abandonnés tout court. Au lieu de réinvestir son territoire, le court métrage cavale après le long ou, pire, lui fait la cour, en attendant mieux : le long métrage et son diktat romanesque. D’un cinéma de résistant et de recherche, on est passés à un cinéma de courtisan et de répétition. Que la nouvelle cinématographique soit florissante, c’est ce que le festival de Pantin a prouvé en montrant plus de bons films français en deux jours qu’on en verra dans l’année. Mais les réussites que sont Eau douce de Marie Vermillard, La Huitième nuit de Pascale Breton (sortie le 10 juillet), Jeux de plage de Laurent Cantet (sortie le 3 juillet), ou Comme les autres de Didier Bivel, s’étalant entre l’heure et la demi-heure, occupent plus que jamais un format ingrat, consensuel, dont l’intérêt majeur semble de se faire la main et/ou une carte de visite. Tous furent soufflés par Le Vent du Hongrois Marcell Iványi, bolide statique de 7 minutes. Partant de trois femmes regardant dans la même direction, un lent mouvement d’appareil, sophistiqué malgré son apparente simplicité : la caméra avance et recule en même temps qu’elle accomplit une rotation à 360°, opérant par recadrages et zooms imperceptibles, dévoile le décor (un hameau) et l’objet de leur attention (des hommes que l’on pend) pour s’éteindre sur ces femmes, identiques et à jamais changées. Ce film est le commentaire, inventé ou réel, d’une photographie de reportage de Lucien Hervé qui clôt le film. Victimes de guerre, de purges ou de procès en sorcellerie, on ne saura rien des corps accrochés aux potences. Ne reste, pour notre plus grande stupeur, que l’expérience d’un regard d’une extrême lassitude, épuisé, sur la justice et la violence des hommes.
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