Un réalisateur américain déclare être l’auteur d’une séquence expérimentale du dernier film de Terrence Malick et dénonce le silence des médias.
Après des années de développement, un faux départ à Cannes en 2010 et une Palme d’Or consensuelle, The Tree Of Life, pouvait enfin envisager l’avenir sereinement. Pressenti comme l’un des plus grands succès de Terrence Malick au Box-office (meilleur démarrage de la Fox aux Etats-Unis, marge de progression importante en France), le film bénéficie aussi de critiques presque unanimes.On célèbre un peu partout l’ambition du cinéaste et son audace : en particulier le décrochage expérimental de 20 minutes qu’il ose dans une œuvre narrative.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est justement de cette séquence qu’est venu le premier point de discorde autour de The Tree Of Life. Dans une interview accordée au site Fandor (l’équivalent indé de Netfix), le réalisateur expérimental Scott Nyerges revendique la paternité de ces images de mers déchaînées, de laves en fusion et de pellicules raturées. Elles seraient issues de son court-métrage Autumnal (2008), dont Terrence Malick aurait acheté une partie des droits. Mais la participation du cinéaste new-yorkais n’est mentionnée nulle part et il se déclare aujourd’hui lésé par les médias.
Un cinéma vampirisé par le mainstream
Le jeune cinéaste Scott Nyerges n’est pas totalement inconnu dans le milieu de l’expérimental U.S. Ancien élève du mythique Stan Brakhage (Mothlight, Dog Star Man), il a réalisé une série de vidéos présentées aux festivals de Rotterdam et Tribeca (disponibles ici). C’est son dernier court, Autumnal, qui a attiré l’attention de Terrence Malick : un « requiem pour les territoires inconnus » composé d’images abstraites articulées dans un montage hypnotique.
Contacté en 2009 par la production du film (Cottonwood Pictures, Plan B et River Road Entertainment), Scott Nyerges devait participer à la conception des séquences expérimentales de The Tree of Life selon le site Fandor. « Ils étaient intéressés par des cinéastes de l’avant-garde qui utilisent des images abstraites », précise-t-il. Mais la production s’est finalement contentée d’acheter les droits de 12 secondes de sa vidéo, dont une image a aussi été exploitée pour illustrer une affiche américaine.
« Les cinéastes expérimentaux passent un contrat tacite, ils savent très bien qu’en s’engageant dans cette voie là ils ne seront jamais dans la lumière », explique Scott Nyerges.
Mais à la sortie du film, le réalisateur new-yorkais s’est étonné qu’aucune mention de son travail n’ait été faite dans la presse ou sur la référence IMDB, alors que la fameuse séquence expérimentale a été attribuée à Terrence Malick –sans que personne ne s’interroge sur son origine. Une situation qui résume bien le manque de visibilité du cinéma expérimental et sa vampirisation par la culture mainstream selon Scott Nyerges :
« Aucun média n’a vraiment mentionné le fait qu’ils utilisaient les travaux de cinéastes expérimentaux dans ces séquences, explique-t-il. Ce genre de cinéma a influencé tous les mouvements, de la publicité aux films en passant par les clips. Mais maintenant vous pouvez acheter iMovie, appuyer sur un bouton, et obtenir un effet que des réalisateurs de l’avant-garde ont mis des années à développer ».
Un geste « courageux » de Terrence Malick
S’il dénonce un système médiatique, Scott Nyerges ne remet jamais en cause Terrence Malick, qu’il félicite au passage pour son « ambitieux, lyrique et très beau travail ». Il reconnaît aussi le « courage » du réalisateur de The Tree of Life, le dernier peut-être à établir des ponts entre un cinéma mainstream (Sean Penn, Brad Pitt, la Fox, Europacorp…) et des formes expérimentales.
« Les techniques et figures qu’il emploie me rappellent les travaux de Jordan Belson » précise Scott Nyerges, avant d’évoquer les images de Koyaanisqatsi, un film expérimental de Godfrey Reggio (1983) avec lequel The Tree of Life entretient beaucoup de correspondances.
http://youtu.be/LFBijDU8PpE
{"type":"Banniere-Basse"}