Inventant un Los Angeles transformé en décharge de symboles, John Carpenter tire avec Los Angeles 2013 la chasse sur notre quotidien d’images archi-recyclées. Et jette, d’un même élan, le gauchisme dévoyé et la dictature molle de la démocratie. Los Angeles 2013 n’est pas un remake de New York 1997, même pas une suite, c’est sa […]
Inventant un Los Angeles transformé en décharge de symboles, John Carpenter tire avec Los Angeles 2013 la chasse sur notre quotidien d’images archi-recyclées. Et jette, d’un même élan, le gauchisme dévoyé et la dictature molle de la démocratie.
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Los Angeles 2013 n’est pas un remake de New York 1997, même pas une suite, c’est sa descendance abâtardie. Quinze ans ont passé depuis le premier film (seize dans la fiction) et Snake Plissken a connu le sort commun des personnages de celluloïd : il est devenu une icône pour fanzineux, un signe de reconnaissance pour adolescents trentenaires. Désormais, il ne s’appartient plus. De figure originale, il s’est transformé en une figurine de plastique, une vignette de plus à coller dans le grand album des archétypes hollywoodiens. S’il revient aux affaires, c’est pour constater la formidable dégradation qu’a subie son statut de héros et tenter d’y résister. En exécutant sa mission, il va rencontrer ses pairs ou plutôt ce qu’il en reste. Comme John Carpenter, Snake Plissken ne peut que constater les dégâts. Loin d’être nostalgique, sa visite tourne vite au ramassage des ordures. Le cimetière des idoles est devenu un bidonville. Los Angeles 2013 est souvent drôle, jamais gai. Cette fois, c’est la descendance du Président des Etats-Unis sa fille, Utopia la bien nommée qu’il faut aller récupérer. Pour embêter son connard ultra-puritain de père, cette gourde s’est amourachée de l’incarnation du Che dont le portrait ornait le mur de sa chambre de jeune fille. Mais elle ne s’est pas contentée d’offrir sa virginité à ce mal rasé. Bien pire, elle lui a procuré la télécommande absolue, une petite boîte qui permet d’arrêter simultanément toutes les énergies artificielles de la planète. Muni de cette arme suprême, l’affreux Latino prépare une baie des Cochons à l’envers et menace Washington. C’est là que ce bon Snake intervient. Lâché dans LA immense ghetto qui contient tous les réprouvés du Nouvel Ordre , il commence par retrouver ses attributs de héros éternel. Et d’abord ses revolvers. Oui, comme Dean Martin dans Rio Bravo. Le film-catalogue peut commencer, tous les genres sont en magasin, tous les articles sont en solde. Sur les traces de Snake, Carpenter dresse d’abord un amer constat politique, une charge violente et loufoque contre le fascisme ordinaire dissimulé sous la chasse aux fumeurs, mangeurs de viande rouge et camés de tout poil. Dans le morne paysage américain, dominé par les outrances du politiquement correct et les bouffonneries inquiétantes du néoreaganisme, cette attaque en règle de tous les conformismes est jubilatoire. Pourtant, le film ne s’arrête pas là. En convoquant tous les symboles clés de l’imaginaire cinématographique moderne du requin des Dents de la mer à Batman en passant par Mad Max, le justicier eastwoodien, le Jedi et même Le Guépard de Visconti (« Il faut que des choses changent pour que tout reste pareil ») , Carpenter ausculte l’état des images du monde et diagnostique quatre maux : multiplication, vulgarisation, dégradation et détournement abusif. Si le révolutionnaire provient de La Horde sauvage, le surfeur d’Easy rider, les gladiateurs de Rollerball, le chirurgien esthétique d’un film d’Altman revu par le gore et le travelo (Pam Grier, un comble !) de la blaxploitation et du péplum, tous ne sont que les reflets déformés et galvaudés à force de clonages successifs de leur fonction initiale. Perdu au milieu de ce zoo, qu’on croirait peuplé de tous les Number Four du monde (cf. Mes doubles, ma femme et moi), Snake Plissken est le seul à avoir su conserver son intégrité physique et morale. Lui maîtrise ses dédoublements et en fait sa meilleure arme. Il se meut avec aisance dans un monde en flammes, consternant de laideur et qui appelle sa propre disparition. Cet univers de pauvres zombis, de copies ratées et de monstres tarés, c’est le royaume des images après la grande vente aux enchères. C’est notre vie quotidienne. En inventant le western situationniste qui éteint le monde, Carpenter se propose de nettoyer cette fosse d’aisance, une bonne fois pour toutes. Noir. Tout reste à (re)faire. On va bien s’amuser.
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