Pour traiter la maladie de l’époque et conjurer l’asphyxie de l’air du temps, Laurence Ferreira Barbosa joue sur tous les registres.
J’ai horreur de l’amour, j’ai l’amour en horreur, un film d’horreur donc (mettons Shining), sûrement un film d’amour (mettons El). Ou bien un film généraliste, comme son héroïne, la doctoresse Annie Simonin, qui sillonne les rues du XIIIe arrondissement pour soigner les maux en trouvant les mots. Généraliste dans sa façon assez unique d’affronter une masse de symptômes contradictoires, de les étudier un à un, avant d’établir un diagnostic global. Pourtant situé dans un tout petit périmètre géographique, J’ai horreur de l’amour ne cesse d’élargir son champ d’investigation, comme s’il lui fallait embrasser tout le corps social, saisi en plein processus de morcellement mortifère, pour espérer l’unifier à nouveau. La guérison est à ce prix. Annie est le lien nécessaire entre chaque patient, chaque histoire, chaque scène. Comme les Médecins de nuit d’autrefois, dont elle est l’héritière exigeante, « auteuriste » et subtilement décalée, elle s’arrête, écoute, soigne et repart, bref elle tourne rond un peu en rond.
Mais l’infection est si grave que la maladie est devenue une identité à part entière. Pendant le grand creux des années 80, « la société » a accouché d’une fiction monstrueuse : une ténébreuse affaire de serment trahi, de pacte rompu, de sang contaminé. Alors, le doute s’est insinué pour ne plus nous quitter. Comme son titre le dit drôlement, J’ai horreur de l’amour est une comédie pour temps de peur. Des temps où un mot sida est devenu suffisamment puissant pour se suffire à lui-même.
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