De la curée médiatique qui a cueilli à froid le dernier film de Marion Vernoux, on retiendra cette conséquence fâcheuse, qui flirte avec le drame national : ce n’est pas encore aujourd’hui que l’on verra Alexandre Desplat accéder pour le plus grand nombre au rang qui est déjà le sien pour quelques-uns. Jusqu’ici, les seuls […]
De la curée médiatique qui a cueilli à froid le dernier film de Marion Vernoux, on retiendra cette conséquence fâcheuse, qui flirte avec le drame national : ce n’est pas encore aujourd’hui que l’on verra Alexandre Desplat accéder pour le plus grand nombre au rang qui est déjà le sien pour quelques-uns. Jusqu’ici, les seuls films dont Desplat a signé la musique et qui ont attiré des spectateurs sont ceux de Jacques Audiard, deux partitions minimalistes remarquables mais pas forcément remarquées. En revanche, la flamboyance du style de Desplat était largement audible dans Marie-Louise ou la permission, Les Milles ou Le Plus bel âge, autrement dit des bides assez vertigineux. Comme la notoriété d’une bande originale n’outrepasse que rarement celle du film qu’elle illustre, on craint qu’une fois encore les oubliettes se chargent d’offrir un gîte à Love etc. Seule Love etc., la chanson, écrite pour Charlotte Gainsbourg par le tandem Vernoux-Desplat, pris en flagrant délit de révérence au père de la demoiselle quelque part entre Initials B. B. et Jane B. , pourrait le cas échéant sauver le dossier du pilon. Mais la grande affaire de Desplat reste avant tout le soulèvement des plaques tectoniques au moyen d’orchestres à cordes. En l’espèce, les dix-huit pièces instrumentales proposées ici constituent à l’échelle de la musique française pour le cinéma l’un de ces tremblements trop rares depuis que Delerue a rompu sa baguette. Ainsi, l’héritage de Ravel ou du grand Georges, dont Desplat consume désormais seul les dividendes, n’avait plus été depuis des lustres à pareille fête, notamment sur les écrans où le petit Jean-Claude Petit domine le marché, tel un chef de clan mafieux ayant l’académie des Césars comme porte-flingue. Malgré la tutelle encombrante de maîtres avoués on pourrait aussi citer François de Roubaix, John Barry ou Bernard Herrmann , Alexandre Desplat s’octroie sans forcer sa part de mérite, appose en gants de velours la marque gracieuse d’une écriture désormais reconnue comme l’heureuse exception d’un genre miné par la démission générale. Si Desplat n’est pas dans les années qui viennent employé à sa juste mesure, alors ça signifiera qu’on méritait nos Eric Serra, nos Laurent Petitgand et autres tâcherons du même pedigree. A la nausée viendra alors s’ajouter la honte, mais on l’aura cherché. On aime à croire cependant que Rendez-vous en l’an 2000, l’un des sommets du « mélancolyrisme » qui irradie la partition de Love etc., aura valeur de prophétie.
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