“The Girlfriend Experience”, la série anthologique adaptée du film de Steven Soderbergh revient avec une saison 3 – pour l’instant – peu concluante.
Iris est une jeune femme brillante et sûre d’elle. Quasiment diplômée en neurosciences, elle plaque tout pour intégrer une start-up londonienne spécialisée dans l’intelligence artificielle et l’étude des comportements humains. Elle y consacre en tous cas ses journées. Mais ses nuits l’amènent ailleurs, dans les appartements d’hommes riches qui payent très cher pour avoir la compagnie d’une bombe blonde. Souvent des hommes de pouvoir.
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Iris (Julia Goldani Telles) est une prostituée de luxe, personnage central de la troisième saison de The Girlfriend Experience. Tirée du film éponyme de Steven Soderbergh sorti en 2009, la série a déjà revêtu plusieurs peaux et s’affirme comme une anthologie dont les personnages et les décors changent à chaque fois. Amy Seimetz et Lodge Kerrigan ont mis en place le concept il y a cinq ans avec l’extraordinaire Riley Keough, dans une première saison tendue et mystérieuse. L’une des plus belles propositions sérielles de la dernière décennie, proche du cinéma indépendant et très ancrée dans les enjeux de représentation liés au féminisme : la sexualité d’une femme, comment elle s’en sert et comment nous la regardons.
Intimité et VR
La deuxième salve d’épisodes avait un peu déçu en racontant deux histoires en parallèle – l’une réalisée par Seimetz, l’autre par Kerrigan – au point que le duo a désormais tiré sa révérence, laissant place à la réalisatrice allemande Anja Marquardt, connue pour son premier film She’s Lost Control (2014) où il était question d’une étudiante spécialisée dans l’assistanat sexuel. Cela s’appelle avoir de la suite dans les idées, voire une obsession.
La question de l’intimité et de l’échange de services traverse la nouvelle saison, en tous cas les cinq premiers épisodes que nous avons pu voir au moment où nous écrivons ces lignes. Elle rencontre aussi une autre thématique plus large liée à l’intelligence artificielle et à la réalité virtuelle. Tout commence avec une scène assez forte et étrange dans laquelle Iris passe son entretien d’embauche pour devenir escort, entièrement en VR. Que voit-on dans un monde où toutes les images peuvent être trafiquées ? Que ressent-on si la sensation du corps n’est plus la première façon d’envisager la réalité ?
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Les hommes sont des animaux visuels
Iris se met en tête d’étudier ces questions et d’autres en prenant ses clients comme cobayes. C’est la principale idée narrative de cette saison : la jeune femme enregistre toutes ses interactions et les analyse ensuite dans le cadre de son travail pour tenter de comprendre les mécanismes du désir, ce qui excite, que l’on en soit conscient·e ou non, ce qui rebute, ce qui bloque. Tout cela en partant d’hypothèses de base (“Les hommes sont des animaux visuels”, dit un dialogue) que la série se pique d’explorer. Le souci, puisque souci il y a, tient à la façon dont Marquardt évite globalement son sujet. A commencer par les scènes de sexe, peu nombreuses, qui n’ont aucune ampleur ni originalité particulière, marquées par un érotisme chic où chacun joue des rôles pré-définis : robot et poupée. Si cette vision des rapports de genre était vraiment travaillée, elle pourrait fasciner. Ce n’est pas le cas. Rien ne vibre, rien n’effraie ou interroge dans ces tristes galipettes.
Une autre limite de la vision de la réalisatrice (qui a également signé les scénarios) pointe assez vite : l’univers visuel de la série apparaît en tous points purement décoratif et redondant avec le sujet traité, voire tautologique. Dans les premières saisons, le choix d’une esthétique glaciale, comme infusée par la froideur de l’ultra libéralisme contemporain (il est toujours question ici de richesses et de grandes entreprises), se voyait sans cesse contrebalancée par les éclats des corps, leurs dérapages incontrôlés. Rien ici ne vient proposer une pulsation surprenante, jusqu’à ce qu’un certain étouffement domine.
On a presque l’impression qu’aucun cœur ne bat dans les épisodes, alors que tout est là, à portée de caméra, pour créer le trouble. Au fond, The Girlfriend Experience se noie dans sa propre ambition : à trop vouloir saisir nos expériences intimes du 21e siècle, elle ne propose qu’un défilé d’idées et de sensations sans véritable cohérence et finalement assez banales. Au cœur de cet échec se trouve l’échec d’un personnage, comme souvent dans les séries qui ne touchent pas leur cible. Iris est une héroïne au désir oblitéré dont on ne saisit pas vraiment ce qui la fait avancer – sans parler de ce qui la fait jouir, dans tous les sens du terme. Les cinq derniers épisodes nous feront peut-être changer d’avis, s’ils osent enfin côtoyer ses abîmes et la rendent enfin indispensable.
The Girlfriend Experience saison 3 – Sur OCS
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