Alors qu’elle semblait avoir dit son dernier mot, la légendaire série de jeux d’arcade, née dans les années 1980, est de retour avec un épisode inédit. Et aussi : deux visions singulières de la simulation de sport avec le très ambiant “Skate City” et le sarcastique “Football Drama”.
Le titre même est un indice. Final… 2 ? La suite de la fin ? Voilà qui paraît bien étrange, pour ne pas dire contradictoire. De fait, en 2003, le premier et superbe R-Type avait tout d’un requiem pour la mythique série de shoot’em up en défilement horizontal, née en 1987 dans le sillage du concurrent Gradius et qui semblait avoir tout dit, tout conclu, tout célébré, tout détruit.
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Relancé en 2003 à l’occasion de la sortie de sa suite imprévue, R-Type Final se révèle d’ailleurs toujours aussi fort et marquant malgré le coup de vieux technologique difficilement évitable pour un jeu tournant sur la PlayStation 2. R-Type Final, c’était la mise en bière d’un genre autant que d’une série, une balade funèbre à travers un monde qui se désagrège, le diamant noir du shmup qui ne se révélait pourtant jamais vraiment écrasant. “Tout y est lent, lancinant, pesant, terrassant”, écrit ainsi le toujours pertinent Raphaël Lucas dans le dossier qu’il a consacré à la série R-Type dans le numéro 34 du mook Pix’n Love. Et d’ajouter : « Il est une procession, un cortège funèbre, une dernière marche en mode mineur vers le caveau des franchises éteintes ». Les funérailles ne sont pas forcément que déchirantes : elles sont aussi l’occasion de se souvenir que c’était beau, et de clore l’histoire, de dire au revoir. R-Type Final, c’était un peu le Tombeau, au sens littéraire et poétique du terme, de R-Type. Et puis après, bye bye, rideau, terminé. C’était vraiment bien tant que ça a duré.
Post-scriptum
Et puis non. Et puis R-Type Final 2, retombée post-mortem dont l’éclat paradoxal vient précisément du fait que rien ne semble jamais prouver formellement sa nécessité. Mis sur orbite grâce au financement participatif, ce projet de Kazuma Kujo qui était déjà aux manettes du “vrai” R-Type Final ne cherche d’ailleurs même pas à prendre la suite du précédent dont il serait plutôt une sorte de post-scriptum dix-huit ans après. On n’ira pas plus loin, on ne cherchera pas à s’inventer de beaux lendemains, à faire comme si l’âge d’or de R-Type n’appartenait pas à un autre siècle. C’est juste un petit flash-back, une parenthèse en forme de best-of. Après la majestueuse cérémonie de 2003, une projection de diapos bien choisies. Vous vous souvenez comme c’était chouette, R-Type ? Allez, profitez-en bien une dernière fois : dès que vous avez fini, on remballe.
La Force
Mais, au fait, c’était quoi, R-Type ? C’était un jeu dont les créateurs avaient trouvé un bon truc pour le distinguer de la concurrence au sein du genre alors florissant qu’était le shoot ’em up. Ce joujou extra, c’est la Force, petit module dont Raphaël Lucas nous apprend dans Pix’n Love qu’il est inspiré du bousier et qui vient compléter notre vaisseau de diverses façons. Cette Force présentée comme “une bête évolutive” reliée à nous par “une laisse invisible” peut ainsi partir en éclaireur devant nous, s’accrocher à l’avant de notre astronef dont il complète l’arsenal ou encore à l’arrière pour mitrailler l’espace derrière nous, ce qui se révèle plus qu’utile dans un jeu où le danger peut venir de partout. La Force, qui résiste à tout contrairement à nous, est notre double, notre protecteur. Et notre meilleure chance de progresser dans ce monde sans pitié. Omniprésente dans les jeux actuels où elle tient essentiellement un rôle cosmétique, la customisation est ainsi à la base même du gameplay de R-Type, mais dans le feu de l’action. Si, d’une manière qui fait écho à son univers biomécanique source de bien des visions frappantes – on pense bien fort à toi, Dobkeratops –, on ne se reconfigure pas soi-même régulièrement, on risque fort de ne pas tenir le choc longtemps. La gestion des power-ups constitue un élément important de bien des shoot ’em up mais, dans R-Type, elle prend une tout autre dimension.
Remonter le temps
Et R-Type Final 2, dans tout ça ? Ce n’est probablement pas la meilleure adresse pour découvrir la série – pour cela, on conseillera plutôt R-Type Dimensions qui rassemble ses deux premiers volets dans leur version d’origine mais aussi relookés en 3D – et pas non plus pour voir jusqu’où elle peut aller – en la matière, R-Type Final premier du nom semble indépassable. Il n’empêche : malgré ses limites ou peut-être grâce à elles, R-Type Final 2 complète joliment le tableau en s’appuyant sur le plaisir d’y revenir qui est depuis toujours à la base du jeu d’arcade. Ajouter une pièce, relancer le niveau ou profiter d’un “continue” pour tenter d’atteindre sans gloire, à l’arraché le suivant. On remet ça, encore une fois qui ne sera jamais vraiment la dernière même si, pour ne pas quitter R-Type, le remix et les redites deviennent les seules options. C’est là ce qui rend en définitive précieux cet R-Type Final 2 que l’on conseillera plutôt de pratiquer sur PlayStation ou Xbox que sur Switch, dont la version est alourdie par les temps de chargement. Pour R-Type, ce n’est pas un bouquet final, un feu d’artifice, mais plutôt une invitation à remonter le cours du temps pour le suspendre en se glissant dans ses interstices. C’est entendu : l’histoire est terminée, mais cela ne veut pas dire qu’il est interdit de se la re-raconter, de la re-parcourir en frémissant, de jouir encore de ses meilleurs moments. En 2003, la série avait bien atteint le bout de son chemin. Aujourd’hui, R-Type nous appartient.
R-Type Final 2 (Granzella / NIS America), sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X/S, Switch et Windows, environ 40€
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Et aussi :
Skate City
Oubliez Tony Hawk’s Pro Skater : Skate City évolue dans un registre 2D plus proche de l’excellent OlliOlli (en moins technique, cependant) mais avec un sens de la mise en scène envoûtant, dans la lignée du diptyque Alto’s Adventure / Alto’s Odyssey qui était déjà édité par les Canadiens de Snowman. Ce jeu de compagnie pensé pour être pratiqué à petites doses mais souvent, pour (re)tenter quelques défis ou s’offrir un parcours libre, et qui nous entraîne de Los Angeles à Barcelone en passant par Oslo est ainsi d’abord une belle expérience atmosphérique.
Sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X/S, Switch et Windows, Agens / Room8 / Snowman, environ 13€. Egalement disponible sur Apple Arcade.
Football Drama
Un jeu de simulation n’est jamais une représentation neutre, objective de la réalité. Toujours, il y a des biais, un point de vue et, en la matière, Football Drama a le mérite de la franchise. Dans ce jeu qui nous installe, tel Ted Lasso, sur le banc d’un club de foot britannique, le récit interactif se fait ouvertement satirique, mais cela ne veut pas dire que la complexité des décisions à prendre, à l’entraînement, en match ou en coulisses, soit esquivée – même si l’on reste loin de la profondeur d’un Football Manager. Certaines d’entre elles passent par un système de cartes (“se moquer des adversaires”, “passer en 4-2-1-3”…) que l’on gagne au fil de l’aventure et qu’il faudra savoir jouer au bon moment. On aime bien, aussi, choisir les réponses de notre coach en conférence de presse ou face au propriétaire du club. Imaginé par le game designer italien Pietro Polsinelli, Football Drama se révèle être une très bonne surprise dans le monde souvent bien conventionnel des jeux sportifs.
Sur Switch, Open Lab Games, environ 10€. Egalement disponible sur Mac, Windows, iOS et Android.
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