Les majorités morales de tout poil n’ont pas attendu la dernière décennie pour se rappeler à notre mauvais souvenir. Et aux Etats-Unis, les sectes puritaines névrosées, parfois installées au cœur de l’Etat, ont toujours surfé sur les vagues récurrentes du délabrement économico-social. Pour son premier film, le dénommé Raymond de Felitta choisit précisément comme source […]
Les majorités morales de tout poil n’ont pas attendu la dernière décennie pour se rappeler à notre mauvais souvenir. Et aux Etats-Unis, les sectes puritaines névrosées, parfois installées au cœur de l’Etat, ont toujours surfé sur les vagues récurrentes du délabrement économico-social. Pour son premier film, le dénommé Raymond de Felitta choisit précisément comme source d’inspiration un scandale qui tourneboula le milieu rupin new-yorkais des années 50, scandale fort révélateur de la tentation droitière locale. Soit l’histoire de Mickey Jelke, un jeune héritier oisif de bonne famille qui, plutôt que de faire gentiment fructifier sa fortune, choisit de s’abîmer consciencieusement la santé en rôdant dans les boîtes louches et en s’adonnant à divers trafics sexuels. Jusqu’au jour où un flic vaguement véreux est diligenté par la police locale qui, au nom de l’assainissement moral de l’Amérique éternelle, a décidé de coller sur le dos de Mickey une sombre affaire de prostitution.
Petite oasis dans le désert des sorties d’été, Cafe society mérite d’être défendu pour son lot de bonnes idées souterrainement alambiquées. Ainsi, loin d’opposer binairement le flic clean et le dandy soi-disant rongé par le vice, Raymond de Felitta prend bien soin d’entremêler les pistes et de dévoiler progressivement l’ambiguïté constitutive qui relie les deux personnages. Territoire intérieur du soupçon existentiel où les personnages ne savent plus très bien où sont nichés leurs désirs et leur identité. De même, le cinéaste fait preuve d’un joli talent quand il s’attache à démonter subtilement le Meccano d’affects troubles et de pulsions inavouables qui se camouflent derrière la pellicule frivole des boîtes de jazz et des apparts élégants où s’égaient les gens de la bonne société. Du coup, Cafe society parvient sans problème à développer une atmosphère sournoisement déréglée qui plonge profondément dans les affres de la pornographie et de la perte des repères conventionnels. Malgré des références trop appliquées aux codes du film noir hollywoodien des années 50 et quelques regrettables tics maniéristes, Cafe society signale la naissance d’un cinéaste avec lequel il faudra peut-être compter dans les années qui viennent.
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